SÉMINAIRES PROGRAMME 2 (2021-2022)
Appréhender le monde
Responsables : Anne-Laure Tissut, Philippe Brunet & Miguel Olmos
Cette année, le séminaire sera consacré à l’exploration du réseau ample et serré de nos relations au monde telles qu’il est médiatisé par la littérature : représenté, réfléchi et analysé aussi bien qu’interrogé par l’œuvre littéraire, poème, fiction ou drame, autant que dans la traduction à l’échelle du monde chez le poète Armand Robin ou André Markowicz en ses Ombres de Chine. On cherchera à diversifier les approches et les définitions afin d’illustrer l’infinitude des possibilités ouvertes par la question de l’appréhension du monde.
Elle s’inscrit notamment dans la ligne des propositions faites pour penser l’après-post-modernisme. Peter Boxall, dans son ouvrage intitulé Twenty-First-Century Fiction: A Critical Introduction, Irmtraud Huber dans Literature after Postmodernism: Reconstructive Fantasies, ou encore Gibbons, Van Deen Akker et Vermeulen, qui s’intéressent au retour aux affects ainsi qu’à des formes de récit plus conventionnelles, dans Metamodernism: Historicity, Affect, and Depth after Postmodernism, sont quelques-uns des chercheurs s’étant exprimés sur le devenir des représentations langagières du monde. Pierre-Louis Patoine, dans Corps / Texte. Pour une Théorie de la lecture empathique, apporte lui aussi un éclairage précieux dans la discussion, sous l’angle de la réception, en analysant les mécanismes intervenant dans l’expérience immersive du lecteur ou de la lectrice, expérience à étendre à l’empathie activée par le texte, l’image, la voix, la scène. Les formes d’implication du lecteur dans le texte ou du spectateur impacté par la lecture ou la représentation seront étudiées, autant que faire se peut, dans leur grande diversité, ainsi que les façons dont cette implication réorganise les contours et structures du monde du lecteur ou de la lectrice et en déplace les accents.
On pourrait arguer que la fonction mimétique ne relègue pas exclusivement l’artefact littéraire à une position secondaire par rapport au monde réel mais entre en concurrence avec lui tout en l’élargissant, en créant sur lui d’autres perspectives, en inventant d’autres manières de l’interpréter, enfin en introduisant dans ce monde de nouveaux objets, sources d’expériences complexes impliquant sensations, pensées, sentiments et émotions. L’objet littéraire lui-même serait moins à interpréter comme reflet que comme source agissante, au même titre qu’une œuvre plastique, ce que n’ignorent ni les formes de littérature et d’arts en performance, ni le théâtre, toujours prêt à recréer le monde. Les mondes générés par l’imagination, quels qu’en soient les supports, témoignent ainsi d’une continuité, difficile à catégoriser, entre passé, présent et expériences personnelles ou collectives. Les développements récents des formes conventionnelles du récit ou le développement d’écritures polyphoniques, ainsi enrichies de la pensée et des pratiques postmodernes, pourraient bien venir éclairer certaines des spécificités de la littérature d’hier et d’aujourd’hui.
Les contributions au séminaire en effet ne devraient pas se limiter à la littérature d’aujourd’hui mais inclure des textes plus anciens, issus de toutes aires culturelles, et pas seulement occidentales, et de toutes logiques métisses (pour reprendre l’expression de l’anthropologue Jean-Loup Amselle) : textes anciens parfois contestés, filtrés ou censurés selon certaines postures postcoloniales récentes, ou appelés à une reviviscence toujours nouvelle. Par-delà ces distinctions dans le temps et l’espace, les relations entre le texte et le monde, le lecteur, le spectateur et le texte, enfin le lecteur, le spectateur et le monde via le texte pourront être considérées, à la fois dans leur évolution, leurs stratifications et dans leur historicité, sans oublier que ce texte est lui-même un complexe, parfois dépendant de la médiation technique, qui ne peut plus aujourd’hui s’insérer aussi sagement qu’autrefois dans un livre.
Cette année encore, le séminaire de l’axe 2 sera consacré prioritairement aux doctorantes et doctorants, ainsi qu’aux étudiants de Master et aux jeunes docteurs.Les organisateurs encouragent un type d’intervention moins formelle que la communication classique, modèle trop écrit pour bien se prêter à l’échange. Il s’agira de présenter l’avancée de ses recherches ou un aspect spécifique de la thèse sous l’angle de la vaste thématique retenue. Comme l’an dernier, certaines séances seront consacrées à la présentation d’un ouvrage ayant fait avancer les travaux de l’un ou l’une des chercheurs de l’axe. Un extrait sera envoyé à l’avance, afin de nourrir la discussion.
Le séminaire se tiendra le mercredi de 16h15 à 18h30, selon un format hybride, dont l’on a constaté l’effet favorable sur le taux de participation, et qui permettra l’enregistrement des séances.