Traduire les sens en littérature pour la jeunesse | Translating the Senses in Children’s Literature
Horaire : 09h00-18h30
Lieu : Institut du monde anglophone | 5 rue de l’école médecine - Paris (6)
PRÉSENTATION
Ce précurseur de l’album moderne qu’est l’Orbis Sensualium Pictus (1658) du Tchèque Coménius, encyclopédie à l’usage des enfants destinée à apprendre les mots latins au moyen de la représentation visuelle des choses — en partant de l’axiome d’Aristote et de Thomas d’Aquin selon lequel « Rien n’est dans l’intellect qui ne soit d’abord passé dans les sens » —, exploitait déjà le lien entre le passage d’une langue à une autre et le passage d’un mode à un autre.
De façon significative, la littérature de jeunesse en tant que telle a émergé en Occident lorsque la notion de plaisir de la lecture s’est imposée. Les progrès de l’imprimerie ont ainsi contribué à la place centrale de l’image. L’importance de la dimension non verbale du livre pour enfants a fait de ce corpus une littérature multimodale par essence, non seulement dans les livres numériques actuels et dans les adaptations sur de multiples supports, mais aussi dans l’imprimé : les illustrations, la matérialité de l’objet-livre, les jeux de taille, de forme, de matière et de graphisme y suggèrent une manipulation proche de celle procurée par le jouet (kamishibaï, livre animé, à toucher…), renvoyant souvent à une matérialisation de la langue elle-même.
Ainsi, le traducteur n’est qu’une des diverses instances impliquées dans le processus de la traduction du livre pour enfants. Il s’agit de parvenir à la recréation, dans un objet éditorial différent, d’une expérience sensorielle proche de celle générée par l’original. Il faudra souvent traduire non pas le texte seul mais le rapport texte-image (album, BD, manga), voire des éléments non-verbaux (graphisme, mise en page, texture, etc.)
La traduction a joué un rôle fondateur dans l’émergence de la littérature de jeunesse au XVIIIe siècle, grâce à la richesse des échanges européens retravaillant le même matériau textuel, dans un va-et-vient incessant de traductions, retraductions, réécritures et adaptations qui a permis de forger un corpus enfantin. L’appropriation par cette littérature émergente de matériaux textuels antérieurs (littérature orale et populaire, fables, contes et légendes, mythologies) trouve un écho dans le recyclage qu’elle opère de textes d’autres langues-cultures afin de pallier l’insuffisance de certaines productions nationales par la traduction d’œuvres étrangères.
Mais la traduction, indispensable en littérature de jeunesse, vient compliquer le rapport déjà complexe sur lequel reposent ces livres : ils constituent en effet la seule littérature qui se définisse par son lectorat, rendant la question du destinataire et de sa spécificité doublement essentielle lorsqu’il s’agit de les traduire. Ce corpus reposant sur un paradoxe fondateur – un auteur adulte tentant de retrouver le point de vue enfantin définitivement perdu –, traduire ne fait que redoubler l’inextricable équilibre adulte/enfant et doit notamment tenir compte des liens sensoriels qui caractérisent cette relation « asymétrique » (Emer O’Sullivan). Le rapport à la langue maternelle, la présence physique et la voix de l’adulte lisant tout haut constituent des défis particuliers de la traduction pour les très jeunes lecteurs. Mais la difficulté de traduire l’oralité concerne également les adolescents et jeunes adultes lorsqu’elle implique la transposition dans la langue cible de la musicalité d’une écriture désormais plus résolument multiculturelle et de plus en plus métissée de langages vernaculaires (argot, verlan, etc.).
En amont du colloque, le jeudi 12 octobre, de 15h à 16h30, une master class de traduction pour la jeunesse sera animée par Isabelle Perrin (Paris 3, traductrice) et Gary Ghislain, auteur de How I Stole Johnny Depp’s Alien Girlfriend, Twilight of the True Blood Vampire Diaries, The Love Game et The Goolz Next Door (à paraître).
Inscriptions auprès de cliona.ni-riordain@univ-paris3.fr et virginie.douglas@univ-rouen.fr (avant le 5 octobre), dans la limite de 15 places de participants et 15 places d’auditeurs.
Langues de travail : anglais-français.
Tarif : 10 euros. Gratuit pour les masterants et doctorants des universités de Paris 3 et de Rouen.
PROGRAMME
Vendredi 13 octobre 2017
09h00 – Accueil
09h15 – Ouverture
Des sens au sens : entre jeux textuels et jeux traductifs
Président de séance : Bruno PONCHARAL
09h30 – Isabelle COLLOMBAT (ESIT, Paris 3-Sorbonne Nouvelle) : L’essence du sens, sens dessus dessous : littérature jeunesse et postulat traductif
09h55 – Agnès LEROUX (Paris Ouest Nanterre La Défense) : Du texte à l’image et de l’image au texte : le traducteur et la construction du sens
10h20 – Julie LOISON-CHARLES (Université Lille 3) : Traduire en russe les calembours phoniques d’Alice’s Adventures in Wonderland : quand la violence du langage de Lewis Carroll rencontre celle de Vladimir Nabokov
10h45 – Discussion
11h05 – Pause
11h25 – Roberta PEDERZOLI (Université de Bologne, Italie) : Les Malheurs de Sophie en traduction italienne entre plaisir du texte et plaisir des sens
11h50 – Muguraş CONSTANTINESCU (Université Ştefan cel Mare, Suceava, Roumanie) : Traduire l’enfant et l’arbre
12h15 – Discussion
Déjeuner libre
Rendre la sensorialité par l’oralité et la musicalité du texte
Présidente de séance : Isabelle GÉNIN
14h15 – Virginie BUHL (Université Paris II-Panthéon-Assas / ESIT Sorbonne Nouvelle – Paris 3) : Le chien, le traducteur et l’apprenti lecteur : contraintes et libertés de traduction du livre ludique
14h40 – Audrey COUSSY (Université McGill, Canada) : Plaisirs et dangers culinaires dans la traduction de la littérature d’enfance et de jeunesse
15h05 – Mariane UTUDJI (Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3) : Traduire la voix musicale d’un conteur : recréer son iconicité
15h30 – Discussion
15h50 – Pause
16h10 – Mirella PIACENTINI (Université de Padoue et Université de Milan, Italie) : Traduire l’oralité et la musicalité : le théâtre jeunesse entre France et Italie
16h35 – Ludivine BOUTON-KELLY (Université de Nantes) : Deux exemples de traduction en tous sens par Françoise Morvan : Le bord du monde de Shel Silverstein et Le Petit Brown de Isobel Harris
17h00 – Julie ARSENAULT (Université de Moncton, Nouveau-Brunswick, Canada) : La traduction pour les tout-petits : le cas des livres de Leslie Patricelli
17h25 – Discussion
17h45 – Fin de la 1e journée
18h30 – Cocktail
Samedi 14 octobre 2017
09h00 – Accueil
Traduire le rapport texte-image dans l’album, la BD et le roman illustré
Présidente de séance : Anne CHASSAGNOL
09h30 – Marie-Christine ANASTASSIADI (Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3), et Magdalini PAPPA (Université d’Athènes) : Traduction et recréation d’un album de jeunesse en anglais, français et grec : textes et images dans Les trois petits loups et le grand méchant cochon d’Eugène Trivizas
09h55 – Anna CASTAGNOLI (auteur-illustratrice jeunesse, Barcelone, Espagne) : Les codes culturels des images
10h20 – Odile BELKEDDAR (ATLF) : Deux carrés en quelques mots porte-voix, avec El Lissitzky dans la collection des Trois Ourses
10h45 – Discussion
11h05 – Pause
11h25 – Nathalie VINCENT-ARNAUD (Université Toulouse-Jean Jaurès) : Little Lit, big picture(s) : les sens de la traduction
11h50 – Valquiria PEREIRA ALCANTARA (Université de São Paulo, Brésil) : Roald Dahl and Quentin Blake: a dialogue between text and illustrations
12h15 – Discussion
Déjeuner libre
Traduction des sens et multimodalité
Présidente de séance : Catherine Delesse
14h15 – Mary WARDLE (Université Sapienza, Rome, Italie) : From Baker Street to Tokyo and Back: (para)textual hybridity in translation
14h40 – Elena CARATTI et Giovanni BAULE (Design School, Politecnico di Milano, Italie) : Between analogic tradition and digital translation: when the picture books become apps
15h05 – Isabel CÓMITRE NARVÁEZ et Esther SEDANO RUIZ (Université de Málaga, Espagne) : Sous-titrage créatif pour enfants malentendants : les contes au cinéma
15h30 – Discussion
15h50 – Pause
16h10 – Table ronde avec des professionnels de la traduction pour la jeunesse, animée par Virginie DOUGLAS et Clíona NÍ RÍORDÁIN
Avec :
- Siobhán PARKINSON (auteur, Children’s Laureate en Irlande, traductrice, éditrice à Little Island)
- Isabelle PERRIN (traductrice anglais-français),
- Catherine RENAUD (traductrice langues scandinaves- français)
- Maïca SANCONIE (traductrice anglais-français)
17h50 – Virginie DOUGLAS et Clíona NÍ RÍORDÁIN : Conclusion
18h15 – Clôture
INFORMATIONS
- Clíona Ní Ríordáin : cliona.ni-riordain@univ-paris3.fr
- Virginie Douglas : virginie.douglas@univ-rouen.fr
- Bruno Poncharal : bruno.poncharal@orange.fr
Inscription au colloque : 20 euros (gratuit pour les étudiants)
Informations/inscriptions : Tiffane Levick : tiffane.levick@gmail.com / 06 95 64 83 75
Comité scientifique :
- CHASSAGNOL Anne, Maître de Conférences, Université Paris 8
- CONSTANTINESCU Muguraş, Professeure, Université Ştefan cel Mare Suceava, Roumanie
- DELESSE Catherine, Professeure, Université de Lorraine
- DOUGLAS Virginie, Maître de Conférences, Université de Rouen
- GÉNIN Isabelle, Maître de Conférences, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3
- HENNARD DUTHEIL DE LA ROCHÈRE Martine, Professeure, Université de Lausanne, Suisse
- LÉVÊQUE Mathilde, Maître de Conférences, Université Paris 13
- NÍ RÍORDÁIN Clíona, Professeure, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3
- PEDERZOLI Roberta, Maître de Conférences, Université de Bologne, Italie
- PHAM DINH Rose-May, Professeure, Université Paris 13, Présidente de l’Institut International Charles Perrault
- PONCHARAL Bruno, Professeur, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, Directeur de TRACT
- RAGUET Christine, Professeure émérite, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, Rédactrice en chef de Palimpsestes