soutenance de thèse
Horaire : 14 h
Lieu : F 311
Isabelle Le Blanc-Louvry,
«Epaisseur spatialisante de la conscience »
Composition du jury :
Mme Natalie DEPRAZ (philosophie moderne et contemporaine, Rouen ; prés.)
M. Philippe FONTAINE (Rouen, directeur des recherches)
Jean-Claude DUPONT (univ. de Picardie ; rapporteur)
Jean VION-DURY (MCU-PH en biophysique médicale, Marseille)
Michel BITBOL (UMR-CNRS 8547, ENS, Paris)
Résumé : Si la conscience, en tant que puissance de vie qui doit à chaque fois tout reconstruire, peut, en se faisant espace, se poser comme une présence de chaque instant, mais également se donner la forme d’un mouvement, c’est parce qu’elle a, tant un pouvoir de simultanéité qui lui permet de constituer de multiples objets à la fois, qu’un pouvoir de séquentialité qui lui permet d’enchaîner ses gestes, chacun d’entre eux reproduisant une part de ce que le précédent a forgé, afin qu’un ressenti d’identité puisse s’imposer. Et c’est cette façon qu’a la conscience d’entremêler dans l’instant toutes ses manières de faire, perceptives, idéatives, mais également mémorielles et imaginantes, même si c’est en mettant toujours l’une d’entre elles en avant, qui la rend capable d’offrir de l’épaisseur à tout ce qu’elle construit.
La conscience, qui est activité et jamais passivité, ne doit donc pas craindre l’indéterminisme qui la régit, donc ce pouvoir qu’elle a de se déterminer d’une infinité de manières à chaque instant, car il lui permet d’être cette pulpe de vie étoffée, ce granité de sens, capable de tous les possibles, donc de ne jamais avoir à se donner la forme d’un champ au sein duquel tout serait déjà joué.
Et même s’il lui semble qu’elles proviennent du monde, la conscience ne cesse d’offrir des dimensions de transversalité, de verticalité et d’horizontalité à tout ce qu’elle construit, sans les réserver aux seuls objets qu’elle se donne en percevant, en pouvant donc, à chaque instant, se ressentir comme étant ce qui est plus ou moins ouvert, ce qui prend plus ou moins de hauteur et d’élan. De plus, même si elle croit sans cesse être enveloppée par le temps, c’est en fait son propre mouvement qu’à chaque fois elle prête à un monde qui, s’il est espace, n’a aucune dimension temporelle.
Et c’est l’émotion qui fait naître tous les actes intentionnels, même s’ils semblent avoir un pouvoir de simultanéité de moins en moins puissant à mesure qu’ils s’éloignent d’elle, l’imagination étant ce qui en est le plus proche, et l’intellection ce qui paraît à chaque fois s’en séparer. Ainsi, la perception est là à chaque instant, en se faisant action, afin, au minimum, de pouvoir ciseler à partir du monde un décor qui rassure. La mémoire, même si elle donne une certaine épaisseur à chacun de ses objets, peine sans cesse à poursuivre son mouvement, en se croyant au passé, alors qu’elle vit au présent, comme si sa valeur la plus grande était de permettre l’oubli, donc de pouvoir constituer ses objets en secret, afin qu’ils puissent nourrir le tissu de vie sans lui imposer en permanence leur horizon. L’intellection ne cesse de se défaire d’une part du pouvoir de simultanéité de l’émotion qui la fonde, afin de pouvoir filer droit. Quant à l’imagination, parce qu’elle a le pouvoir de s’offrir toutes les colorations en même temps, en particulier sensitives et idéatives, elle est la reine des actes intentionnels qu’elle nourrit sans relâche, même lorsqu’elle n’agit qu’en arrière fond.
Alors en goûtant l’instant, en se le rappelant, ou en l’imaginant, il est parfois possible de ressentir ce qu’est l’épaisseur du tissu de vie, même si, à l’opposé, il est plus difficile de saisir ce qui ne cesse de se dérober, donc ce qu’est le mouvement de la vie.