Séminaire sur la grammaticalisation 3

Date : 2 décembre 2015
Horaire : 16h30-18h30
Lieu : Salle A600 Fac. des Lettres et Sciences Humaines

Brian Lowrey (Université de Amiens)

Constructionalisation et complémentation

Parmi les avancées qu’ont permises les recherches récentes sur la grammaticalisation, le phénomène appelé ‘constructionnalisation’ par Traugott & Trousdale (2013) constitue sans doute l’une des plus importantes. Il s’agit de la façon dont des associations de forme et de sens, ‘fixées’ par l’usage, se conventionnalisent ou se grammaticalisent pour devenir des constructions à part entière,  la construction étant, dans la perspective de Traugott  & Trousdale, « the basic unit of grammar » (2013 : 3).

Je propose de réexaminer, dans la perspective de la constructionnalisation, l’histoire des verbes de perception et de causation en anglais, et de l’expression de ce qu’on peut appeler des ‘événements complexes,’ où le complément du verbe de perception ou de causation renvoie lui-même à un événement. Avec les verbes de perception directe, par exemple, l’anglais contemporain dispose de deux constructions, le ‘AcI’ traditionnel, également appelé VOSI par Visser (1973), et l’équivalent aspectuel VOSIng, illustrés par (i) et (ii) respectivement :

(i)  I saw the boy cross the road

(ii) I saw the boy crossing the road

Dans les deux cas, c’est un procès, l’événement désigné par le complément (the boy cross[ing] the road) qui fait l’objet de la perception (voir Kirsner & Thomson 1976). Il existait en vieil- et en moyen-anglais une autre construction infinitive, sans sujet, comme dans (iii) :

(iii) Ic gehirde secgan þæt þu   wære gleaw þæron

   I    heard    say     that you were skilful thereupon

“I’ve heard [people] say that you are good at this”

(Heptateuch, 71:18)

Un schéma semblable à (i) et (iii) concernait également les causatifs.

Je passerai en revue les principaux changements constructionnels intervenus dans le domaine depuis le VA, ayant conduit à la situation actuelle. Il sera question notamment de la grammaticalisation d’inférences pragmatiques, surtout concernant le rôle joué dans l’événement complexe par le SN intermédiaire, le sujet de l’infinitif.  Phénomène intéressant, ces inférences semblent s’être inversées au fur et à mesure que les constructions concernées se conventionnalisent. Cette étude soulève en même temps la question de l’importance de la réanalyse pour la grammaticalisation et pour l’évolution linguistique en général. Dans quelle mesure les phénomènes évoqués ici donnent-ils raison à Traugott & Trousdale lorsqu’ils affirment que : « all change, including analogisation, is neoanalysis » (2013 : 148) ?

Bicliographie

Declerck, R. 1982. ‘The triple origin of participial perception verb complements.’ Linguistic Analysis 10(1), 1-26

Kirsner, R. & S. Thompson 1976. ‘The role of pragmatic inference in sensory verb complements.’ Glossa 10, 200-240

Lowrey, B. 2010.  ‘Quelques remarques sur la complémentation des verbes de perception en moyen-anglais.’ In J.-C. Khalifa & P. Miller (eds.), Perception et structures linguistiques: Huit études sur l’anglais. Rennes: Presses Universitaires de Rennes, 91-112

Lowrey, B. 2014. ‘Participial perception verb complements in Old English.’ Studia Anglica Poznaniensia  49.3, 43-62

Lowrey, B. 2015a. ‘Subjectless infinitival perception reports in Old English.’ In F. Toupin & Lowrey (eds.) Studies in Linguistic Variation and Change: from Old to Middle English. Newcastle: Cambridge Scholars, 198-214

Lowrey, B. 2015b. ‘Infinitival perception reports in Old English.’ Neuphilologische Mitteilungen, 2015, 461-483

Traugott, E. & G. Trousdale 2013. Constructionalization and Constructional Changes. Oxford : OUP