Normes et subjectivité: une masculinité morcelée dans Les Voyages de Gulliver de Jonathan Swift
Horaire : 16h30-18h00
Lieu : UFR LSH | Bât. 3 | Salle du CETAS (A506) | Mont-Saint-Aignan
Mélissa Richard est doctorante à l’Université de Rouen Normandie, sous la direction de Marc Martinez.
Dans les Voyages de Gulliver, le narrateur est amené à voyager dans des contrées plus étranges les unes que les autres et à rencontrer des populations aux normes, à l’apparence et aux comportements très variés, voire complètement opposés. Gulliver s’émerveille, s’étonne ou s’inquiète des découvertes qu’il fait, mais il est surtout lui-même une source d’étonnement pour les diverses populations qu’il rencontre. Tel « Alice au pays des merveilles » il subit des changements constants.
Son corps d’homme devient à la fois une source de curiosité, mais aussi de peur chez les Lilliputiens par exemple. Tout d’abord admiré pour sa grandeur, sa virilité il devient rapidement un fardeau à nourrir et à abriter. Gulliver semble pourtant parfois dépourvu de genre. Il est utilisé comme objet sexuel, puis désexualisé et utilisé comme une poupée de compagnie par Glumdalclitch : son statut même d’homme est remis en question. Il se trouve ensuite être l’objet de tous les regards chez les géants : utilisé et montré tel une bête de foire par le fermier qui le découvre. Il est par la suite rejeté et méprisé chez les Houyhnhnms qui l’associent au corps vil et putride des Yahoos : êtres difformes, méprisables, mais partageant étrangement de nombreuses caractéristiques humaines. On remarque que d’un voyage à l’autre ce qui est acceptable ne l’est plus forcément dans l’île suivante. Un détail, une caractéristique corporelle qui était source d’émerveillement peut soudainement être à l’origine d’un dégoût profond. Le narrateur n’est de plus pas le seul à subir l’effet de ces normes corporelles fluctuantes. Lui-même observateur, il ne peut s’empêcher d’être dégoûté par la vision des corps géants dans le second voyage et de découvrir des détails corporels grossis dont il aurait préféré ignorer l’existence. Le corps que ce soit celui des hommes ou des femmes est donc perçu différemment selon les voyages effectués. Cette présentation suivra donc le thème du « Corps, des normes, et du genre » et portera sur la notion de perception du corps masculin et de sa virilité comme fluctuante et tout particulièrement sur ce balancement entre dégoût et fascination présent tout au long du récit des Voyages de Gulliver. En effet, nous verrons comment la vision du corps humain évolue au fil des voyages à la fois pour le narrateur, mais aussi pour le lecteur, ou encore, comment un détail attrayant devient soudainement source de répulsion. Le corps de Gulliver n’évolue finalement pas réellement, mais c’est bien la perception que les peuples des îles en ont qui détermine sa nature.
Répondante : Anne Besnault.