L’ontologie du désastre : déconstruction de la réalité et quête métaphysique dans Zone One de Colson Whitehead

Date : 4 février 2025
Horaire : 16h30-18h00
Lieu : UFR LSH | Bât. 3 | Salle A600 | Mont-Saint-Aignan

Dans Zone One (2011), Colson Whitehead échafaude une heuristique du désastre qui, loin de se cantonner aux tropes post-apocalyptiques, s’érige en véritable ontologie de la catastrophe. L’œuvre déploie une herméneutique de la décomposition où la figure du zombie, en tant que signifiant flottant entre vie et mort, catalyse une déconstruction radicale des catégories ontologiques traditionnelles.

Le protagoniste Mark Spitz, dans sa médiocrité revendiquée, incarne une phénoménologie de la survie qui fait écho à l’absurdisme camusien. Sa traversée de la « zone one » s’apparente à une épopée existentielle, une mise entre parenthèses du monde connu qui permet l’émergence d’une nouvelle axiologie de l’être-au-monde.

Les « stragglers », zombies figés dans une répétition compulsive, cristallisent la problématique du dualisme cartésien corps-esprit, tout en évoquant le « zombie philosophique » de Chalmers. Ils incarnent une aporie ontologique qui interroge les fondements mêmes de la conscience et de l’identité.

Le projet de reconstruction, quant à lui, s’apparente à une tentative prométhéenne de réification du réel face au chaos entropique. Cette entreprise, vouée à l’échec, met en lumière la fragilité des constructions socio-symboliques et la nature fondamentalement contingente de la réalité humaine.

La prose de Whitehead, oscillant entre hyperréalisme et abstraction philosophique, opère une dialectique du concret et de l’abstrait qui reflète la tension ontologique au cœur de l’œuvre. Ce faisant, elle invite à une réflexion méta-narrative sur la capacité du langage à appréhender et à reconstruire un monde en déliquescence.

Ainsi, Zone One se présente comme une méditation métaphysique sur la nature de l’être dans un contexte de crise ontologique, questionnant les limites de l’humain et les fondements de la réalité dans un monde où l’apocalypse n’est plus un horizon eschatologique, mais un présent continu et inéluctable.

Par Yves Gardes, maître de conférences en littérature américaine (Université de Rouen Normandie, ERIAC).

ENREGISTREMENT
| Il est possible d’accéder à l’enregistrement de la séance en en faisant la demande auprès de Karine Winkelvoss et Anne Besnault.