Cicéron, La nature des dieux

Édité par Clara Auvray-Assayas aux Presses universitaires de Caen, avec le soutien de l’ERIAC EA 4705

Le dialogue de Cicéron De natura deorum (La nature des dieux) met en scène la confrontation de trois interlocuteurs qui représentent chacun une école philosophique : l’épicurien Velléius et le stoïcien Balbus exposent les éléments de doctrine élaborés dans leur école respective pour traiter la question du divin tandis que Cotta, le représentant de la Nouvelle Académie, met à l’épreuve la cohérence des deux exposés et les soumet l’un après l’autre à un examen critique. L’exceptionnelle richesse documentaire de ce dialogue a suscité des éditions commentées de vastes proportions : de Mayor (1880-1885) à Pease (1955-1958), le travail fourni sur les sources grecques, sur les cultes grecs et romains, sur la postérité antique, tardo-antique et chrétienne est si complet qu’il fournit une base irremplaçable. Mais ces données exigent une interprétation d’ensemble qui tienne compte du projet philosophique de Cicéron ; or ce projet a été jusqu’ici sous-estimé pour deux raisons :

  • le dialogue de Cicéron a été lu surtout comme un témoin, souvent unique, et à ce titre utilisé pour reconstituer des pans entiers de la philosophie hellénistique ;
  • sur un autre plan, le texte a été établi d’après une vulgate qui ne permet pas de comprendre qu’on a affaire à un travail en cours dont les modifications sont liées à la rédaction des autres œuvres de physique que sont le De diuinatione, le De fato et le Timaeus.

Cette nouvelle édition du dialogue De natura deorum de Cicéron est fondée sur un examen critique de l’histoire de la transmission du texte et sur une nouvelle recension des manuscrits dont les résultats principaux sont les suivants : le témoignage des manuscrits carolingiens a pour autorité les lecteurs de Cicéron des IIIe et IVe siècles, Minucius Felix et Lactance, et détruit les fondements sur lesquels repose la « restauration » qu’ont entreprise les humanistes florentins pour l’ordre de l’exposé stoïcien. On lira donc pour la première fois depuis l’édition de Venise de 1507 le texte tel qu’il est transmis et tel qu’il a été lu pendant presque quinze siècles : il s’agit d’un texte « en chantier » puisque sur une première version en cours de modification s’ajoute la greffe d’une seconde version.

L’édition numérique permet de faire apparaître les traces de ce travail en cours et de visualiser la première ou la deuxième version, telles que les révèle la comparaison entre les différentes branches de la tradition du texte : la critique génétique appliquée à un texte antique se trouve ainsi grandement facilitée et le lecteur peut voir à l’œuvre les méthodes de travail de Cicéron dont la Correspondance ne donne que quelques aperçus.

Il s’agit donc de rendre accessible à un public de spécialistes et de non spécialistes les méthodes de la philologie afin de fonder l’interprétation philosophique des théologies hellénistiques sur des bases plus solides.

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