Conférence de Serge KANNAS, psychiatre des Hôpitaux honoraire, pédopsychiatre (1966-2008), thérapeute familial, créateur du groupe ERIC (1995).

Pendant des siècles, le modèle médical dominant a reposé sur l’observation des maladies infectieuses et leur caractère aigu. Sans traitement, le sort incertain du malade, après l’acmé, se décidait (c’est l’origine du mot crise) entre guérison ou mort. Avec les traitements modernes, la médecine s’est maintenue plutôt curative que préventive. Cette expérience a tendance à s’inverser aujourd’hui, avec le vieillissement et l’explosion des maladies chroniques.

Dans le domaine des troubles mentaux, depuis deux siècles, la situation est inverse. L’existence de crises aiguës a été submergée par celle de troubles de longue durée « sévères et persistants », selon la terminologie anglo-saxonne. Cette expérience a coïncidé avec l’accumulation, dans les hôpitaux psychiatriques, de patients hospitalisés pour de longues, voire très longues durée, appelés habituellement patients chroniques, ou « chroniques ». Elle a poussé également à un jugement pessimiste sur le caractère inéluctable des troubles mentaux, que l’existence de traitements plus efficaces a faiblement entamée.

À partir de son expérience professionnelle de plusieurs dizaines d’années comme psychiatre, pédopsychiatre, dirigeant d’équipes publiques traitant adolescents et adultes, de surcroît thérapeute familial, l’intervenant exposera comment sa pratique des années quatre-vingt a interrogé la question de la chronicité et de la crise, entre raccourcissement de l’hospitalisation et leur prévention, à partir d’un travail sur l’urgence et la crise (expérience du groupe ERIC).