Le Bodhicaryāvatāra de Śāntideva : une comprehension non metaphysique de l’éthique
Horaire : 14h00-18h00
Lieu : UFR LSH | Bât. 13 | Salle F101 | Mont-Saint-Aignan
Soutenance de thèse de M. Alexis LAVIS
« Le Bodhicaryāvatāra de Śāntideva : une comprehension non metaphysique de l’éthique »
Jury :
Michel BITBOL (École Normale Supérieure ; directeur de recherche)
Vincent ELTSCHINGER (EPHE ; examinateur)
Philippe GROSOS (Université de Poitiers ; rapporteur)
Natalie DEPRAZ (Université de Rouen Normandie ; directrice de recherche)
François SEBBAH (Université Paris Nanterre ; rapporteur)
Résumé : Le Bodhicaryāvatāra de Śāntideva, rédigé sans doute au début du VIIIe siècle, représente l’un des textes majeurs du bouddhisme indien tardif. Cet ouvrage fondamental présente la voie ou la pratique d’un nouveau type d’être seulement tendu par le souci d’éveil : le bodhisattva. Cette voie ou cette pratique conduit à s’affranchir, via une éthique méditative et réflexive, de la double croyance illusoire en l’identité réelle, personnelle, intérieure et l’identité réelle des « pragmata » extérieurs – autrement dit du sujet, de l’objet et leurs relations. Cependant, l’éthique, comme la morale d’ailleurs, se fonde sur l’idée d’élévation de soi jusqu’à sa pleine essence. Son sol appartient à l’ontologie, c’est-à-dire à l’interprétation de l’être ou de la présence à partir de la notion d’identité. Comment dès lors comprendre la perspective du Bodhicaryāvatāra qui possède à coup sûr une dimension éthique, tout en récusant radicalement la réalité de quelque chose comme une « nature propre » (svabhāva) qui serait ou non à réaliser ou à actualiser ? C’est impossible tant que l’on se place dans l’horizon métaphysique qui pense à partir et en direction de l’ontologie. La première ambition de cette thèse consiste donc à ménager un espace interprétatif à partir duquel le texte de Śāntideva puisse être reçu et entendu. Cela exige une confrontation avec la tradition philosophique occidentale sous-tendue par cette perspective métaphysique ainsi, évidemment, qu’avec la linguistique comparée. Deux courants de pensée nous sont apparus particulièrement propices à la rencontre : la phénoménologie et la systémique. En effet, ce que propose Śāntideva est une révolution de la conscience comprise à la fois comme flux de conscience et intentionnalité, en vue qu’elle devienne pleine ouverture à une dimension de présence libre de toute détermination ontologique. Or cette perspective trouve un écho dans certaines œuvres de Husserl, de Levinas ou d’autres phénoménologues et s’explicite même davantage à leur contact. Quant à l’approche systémique, telle qu’on la trouve exemplairement chez Bateson, elle propose une révolution épistémologique qui repose sur la mise en question de l’identité substantielle et de la causalité linéaire, deux points clefs contre lesquels le Bodhicaryāvatāra déploie tout un argumentaire décisif mais abscons et que le parallèle permet d’expliciter. La seconde ambition de cette thèse est de proposer une nouvelle traduction française du texte de Śāntideva à partir du sanskrit, qui se fonde sur les avancées interprétatives mentionnées et s’affranchisse des préjugés métaphysiques, religieux, moraux… à l’œuvre dans les précédentes versions et qui avaient tendance à travestir dangereusement son sens.