Science et Fiction, les chemins de l’impensé
Horaire : Journée
Lieu : Salle du CETAS (A506)
Intervention de Sandrine Lascaux (U. Le Havre, GRIC)
Séminaire de clôture de « Transferts, hybridation: histoire, discours, fiction » (cliquez sur le lien pour retrouver le programme du séminaire et toutes les informations).
Tout au long des XIXe et XXe siècle , la littérature va témoigner de la continuité qui existe entre les découvertes majeures qui vont secouer les sciences (notamment l’arrivée et le développement de la thermodynamique, la physique quantique, le développement des questions de logique) et la redistribution du savoir et de ses limites dans les sphères de la culture et de la littérature. Pour les contemporains de cette époque et ceux qui suivirent, le discours des sciences signent effectivement l’échec d’une philosophie des Lumières qui reposait sur la séparation de l’objet et de sa connaissance, sur l’instrumentation de la raison et sur la croyance au progrès historique pour poser l’indéterminisme et les probabilités comme les nouveaux fondements de la pensée scientifique.
Dès 1966, le romancier espagnol Juan Benet (par exemple) abordera dans ses essais divers domaines de connaissances. Il intégrera dans ses romans non seulement des savoirs hérités du champ classique des sciences humaines mais aussi, ce qui est plus rare, un ensemble de discours techniques et scientifiques. Poussé par une formation pointue liée à sa profession d’ingénieur, par la situation complexe de son pays et par un contexte où les mutations intellectuelles et scientifiques s’accélèrent, Benet est à la recherche d’une rénovation profonde de la littérature espagnole et d’une nouvelle synthèse (une nouvelle Raison pourrait-on dire) qui reposerait sur le croisement et l’articulation de la raison scientifique et de la sphère poétique. Il n’est pas le seul écrivain dans ce cas.
Cet accueil de savoirs dits « exacts » sur le terrain littéraire ne va pas de soi et pose plusieurs problèmes théoriques que nous aimerions aborder dans notre intervention: celui des mécanismes qui assurent les transferts des représentations scientifiques dans le milieu littéraire; celui de la manière dont cette littérature absorbe, réorganise et oriente des savoirs scientifiques pour elle-même (notamment en ce qui concerne chez les écrivains la problématique du Temps et la thermodynamique) ; celui du statut du littéraire dans sa différence avec la pensée conceptuelle et scientifique.
Si les textes littéraires exhibent des savoirs exogènes qui finissent par les caractériser, ils ne se contentent pas de refléter des données conceptuelles qui viendraient de l’extérieur, ils reconfigurent les savoirs selon des projets littéraires de grande ampleur. Ce sont les modalités, les finalités et les limites de ces recompositions qui importent . Autrement dit, comment sur le terrain de la littérature, les savoirs seront capables de développer une puissance d’organisation à la fois pré orientée et inédite qui contribuera à pousser le texte vers cet impensé, vers cet au delà de la conscience que recherche les écrivains dans un XXe siècle qui sera résolument celui de l’incertitude.
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Sandrine Lascaux est Maître de Conférences en littéraire espagnole contemporaine à l’université du Havre. Ses recherches portent notamment sur la littérature et la peinture espagnoles de la seconde moitié du 20e siècle. http://eriac.univ-rouen.fr/author/sandrine-lascaux/
Voir aussi l‘argumentaire du séminaire de l’Axe 2 et le programme de l’année 2013-2014 : « Transferts, hybridation: histoire, discours, fiction ».