Pédagogie et théorie de la connaissance : l‘apport d’Ernst Cassirer. 3e journée d’étude franco-allemande

Le 20 février 2018,
Université de Rouen Normandie, 76821 Mont-Saint-Aignan

Tout comme les deux journées précédentes, cette journée s’inscrit dans l’effort de développer une approche philosophique du national-socialisme. Ce projet qui implique une forte dimension interdisciplinaire, a été présenté lors de la « Journée de la Recherche » le 21 novembre 2015 à l’université de Rouen :

http://grrhn.insa-rouen.fr/wp-content/uploads/2014/11/2014-pgm-jdr-final.jpg.

Cette fois-ci, nous entendons explorer les ressources didactiques de la vie et de l’œuvre d’Ernst Cassirer (1874-1945). En effet, depuis le livre quasi emblématique de Peter Gordon (Gordon 2004), la défaite de la philosophie dans le combat contre le national-socialisme par le biais de la vie et l’œuvre de Martin Heidegger (Faye 2016), semble entérinée. Et de fait, nous voyons depuis des décennies une mécanisation du système de l’éducation et de formation qui conforte cette hypothèse : le monde aurait alors basculé entièrement dans ce paradigme de la « correction vitale » (Gamm 1964) ?

Nous pouvons objecter à cette vulgate deux arguments. Premièrement, une lecture prudente du livre permet de prendre conscience que la chose n’est pas si simple que ça. Gordon relève bien des potentiels de la philosophie de Cassirer – et il critique vertement les successeurs de Heidegger. Cette ambiguïté invite à creuser. Deuxièmement, nos recherches pendant ces dernières années nous ont fait prendre conscience que l’on est face à un effet de contorsion du temps (Blumenberg 2006) : le travail de Cassirer précède non seulement chronologiquement à l’entreprise heideggérienne, mais on peut effectivement démontrer une stratégie de plagiat.

Cassirer publie entre 1906 et 1920 quatre volumes qui retracent l’évolution du problème de la connaissance dans la modernité (Cassirer 1906-1920). Ce titre, qui résume en quelque sorte le noyau de son œuvre, nous sert donc d’appui pour nous interroger sur sa démarche. Nous défendons que cette œuvre s’inscrit dans le fil droit de la translatio studii, arbitrairement mise en abime par des courants qui convergent pour créer un climat spécifiquement antihumaniste et dont l’hitlérisme est l’excroissance la plus provocateur au plan moral et éthique (Toussaint 2008 ; Rastier 2013).

Une telle recherche permet de compléter l’analyse du dispositif national-socialiste en ce sens qu’il a profondément déstabilisé la confiance de l’homme en instituant un climat d’insécurité, mis sur le dos de la philosophie moderne. Pris en compte l’argumentation esquissée, nous devons nous inscrire en faute face à cette hypothèse. Dans ce sens, le redéploiement de la philosophie de Cassirer, élaborée à la charnière de ce basculement et imbriquée dans son efficacité terrible (Lefebvre 2001) permet de rouvrir des horizons et perspectives actuellement obstruées.

Contributions

Les propositions sont à envoyer au plus tard le 15 décembre à :

leonore. bazinek@laposte.net

Il est conseillé de se référer aux travaux suivants :

– L’émission « Les Chemins de la philosophie par Adèle Van Reeth : « Arendt et Heidegger : extermination nazie et destruction de la pensée » d’Emmanuel Faye » (16 juin 2017) : https://www.franceculture.fr/emissions/les-chemins-de-la-philosophie/arendt-et-heidegger-extermination-nazie-et-destruction-de-la.

– L’argumentaire du « Colloque international : Sortir de la confusion des savoirs et des valeurs par la différenciation des domaines du symbolique et des textes. Enjeux pour l’enseignement, l’éducation, et la formation (19, 20 et 21 mai 2016 ; ESPE de l’Académie de Rouen) :

http://shs.univ-rouen.fr/colloque-viittef-2016-accueil-509533.kjsp

– La publication de Françoise Lartillot (dir.) (2003), compte-rendu en ligne : https://questionsdecommunication.revues.org/7384.

Références

Blumenberg, Hans (2006), Arbeit am Mythos (1984), Francfort s/M, suhrkamp, 699p.

Cassirer Ernst (I – IV), Le Problème de la connaissance, t. I : De Nicolas de Cues à Bayle, t. II : De Bacon à Kant, t. III : Les systèmes post-kantiens, t. IV : De la mort de Hegel aux temps présents, Paris, Éditions du Cerf : Œuvres t. XIX, XX, XVII, XVIII

Gamm, Hanns Jochen (1964), Führung und Verführung. Pädagogik des Nationalsozialismus, Munich, List, 499p.

Faye, Emmanuel (2016), Arendt et Heidegger : extermination nazie et destruction de la pensée, Paris : Albin Michel, 554 p.

Gordon, Peter E. Continental Divide: Heidegger, Cassirer, Davos, Cambridge/London, Harvard University Press, 426 pp.[1]

Lartillot, Françoise (dir.) (2003), Geist und Leben, Paris, L’Harmattan, 316 p.

Lefebvre, Henri (2001), L’existentialisme (1946), Paris, Anthropos, XLVIII.252p.

Rastier, François (2013), Apprendre pour transmettre. L’éducation contre l’idéologie managériale, Paris, puf, 255p.

Toussaint, Stéphane (2008), Humanismes, antihumanismes. De Ficin à Heidegger 1 : Humanitas et rentabilité, Paris, Les Belles Lettres, 332p.

La journée est organisée par Leonore Bazinek avec le soutien du laboratoire Eriac et le groupe de recherche Viittef.

[1] Bibliographie supplémentaire cf. : https://philpapers.org/rec/GORCDE

Appel PDF :Cassirer_journée_2018_cfp