Journées « Numesthésie. L’écran pour saisir le sensible ? » – Reconstituer la réalité

Date : 03 février 2023
Horaire : 10h00-17h30
Lieu : UFR LSH | Bât. 3 | Salle du Conseil | Mont-Saint-Aignan & Visioconférence

Le vendredi 3 février 2023, l’université de Rouen Normandie et l’ERIAC accueillent le second volet du cycle des Journées EVEille 2023, organisées par Marine Parra (Utrecht University), Anne Réach-Ngô (Université de Haute Alsace), Benoît Roux (Université de Rouen Normandie).

Après deux premières éditions consacrées à la constitution des données de la recherche (2021) et à leurs soubassements éthiques (2022), le projet EVEille souhaite explorer cette année la place de la sensorialité dans la représentation numérique, en questionnant la participation des cinq sens dans le traitement et la transmission des corpus scientifiques et objets culturels. Alors que le champ muséographique a depuis longtemps investi les dispositifs numériques en vue de la valorisation patrimoniale, les sciences humaines ne se sont saisies que récemment de la question dans la conduite des projets de recherche.

En forgeant le néologisme de numesthésie – né de la contraction de numérique et du terme grec aisthesis qui désigne l’appréhension par la perception de l’intellect et des sens – le projet EVEille présuppose que dans le champ des Humanités, l’appréhension sensorielle n’est pas seulement convoquée pour restituer auprès de larges publics la réalité phénoménologique d’un objet scientifique qui s’offre à l’intellect de l’expert. La notion suggère aussi que la démarche épistémologique engage des dispositifs sensibles de médiation numérique pour accéder, par les sens, à l’épaisseur de l’objet scientifique et ce, dès la phase d’investigation des données.

Le déroulé des cinq journées dessinera un parcours progressif, de la numérisation la plus minimale à l’exploitation la plus poussée, afin d’interroger les régimes de sensorialité qui interviennent dans la communication numérique de l’objet scientifique, culturel et patrimonial. Il s’agira d’examiner la manière dont les cinq sens sont diversement sollicités, de l’appréhension initiale de l’objet de la recherche à la production d’un nouvel artefact scientifique, désormais dématérialisé, en passant par les divers dispositifs de sa conversion au format numérique. On étudiera notamment les ressorts sensibles que mettent en œuvre les dispositifs numériques examinés lors de la présentation d’études de cas, qui pourront relever aussi bien de l’étude littéraire, linguistique, historique, que des champs de la musicologie, de l’histoire de l’art, de l’archéologie et plus largement des cultural studies.

Lors de la journée « Reconstituer la réalité », on envisagera davantage des procédures numériques qui adjoignent de nouveaux artefacts à la réalité des objets dont la complétude est définitivement perdue. On pense notamment aux enquêtes qui visent à retrouver et rassembler des fragments d’une même pièce archéologique, à composer en une seule édition virtuelle des pages de livres extraites d’exemplaires différents, à la recolorisation de certaines images, à la constitution de maquettes reproduisant à une échelle réduite un site ou une construction disparue, etc. Toutefois, comme un certain nombre d’informations ne sont souvent plus directement connues et accessibles, la reconstitution oblige à un effort de re-construction méthodique s’appuyant sur des bases scientifiques solides qui, pour autant, orientent et stimulent l’imaginaire.

PROGRAMME

10h00 — Accueil des participant.e.s

10h15 — Ouverture des journées
Marine Parra (Université d’Utrecht), Anne réach-Ngô (Université de Haute-Alsace) et Benoît roux (Université de Rouen-Normandie), Introduction

10h30Session 1 – Excursion immersive
Cette session prend la forme d’une visite d’un espace pensé et construit avec le numérique. Elle est introduite par des spécialistes, en présence et en virtuel et permet d’examiner différentes entreprises de valorisation engagées par des institutions patrimoniales et culturelles.

Session animée par Philippe Fleury & Sophie Madeleine (Université de Caen Normandie), « Réalité virtuelle et restitution de sites patrimoniaux : comment partager une expérience « sensible » avec des publics pluriels »

Une équipe de recherche de l’université de Caen Normandie (ERLIS- UR 4254) travaille depuis plus de 25 ans sur la restitution virtuelle interactive de la Rome antique avec le soutien du Centre interdisciplinaire de Réalité Virtuelle (CIREVE). Le modèle virtuel est développé dans une double optique : recherche et pédagogie. Il s’agit tout d’abord de représenter et d’expérimenter des hypothèses de restitution à l’échelle 1, avec toute la liberté offerte par la réalité virtuelle (circulation à vitesse réelle, accès aux sources primaires et à leur interprétation pour justifier les choix de restitution etc).Une fois constitué, le modèle interactif devient ensuite un média de choix pour partager avec des étudiants, des élèves du secondaire ou même du grand public les dernières connaissances sur l’architecture et la topographie de la Rome antique. L’expérience partagée avec le médiateur qui commande la déambulation dans Rome est d’autant plus immersive que rien n’est précalculé. La visite s’adapte en temps réel aux demandes des auditeurs, à leur niveau de connaissance et leur offre à ce titre une expérience « sensible », au plus proche des conditions d’une visite réelle. La réalité virtuelle permet également de changer l’heure des visites, pour voir avec le public comment l’ambiance d’un monument peut évoluer en fonction de la lumière qui pénètre dans ses murs. On peut également jouer sur des ambiances, « Rome la nuit », « Rome sous la neige », afin de scénariser des présentations et augmenter ainsi le sentiment de présence des auditeurs en les faisant passer de l’autre côté de l’écran, ce qui favorise la mémorisation des connaissances.

14h00Session 2 – Médiation et exploration scientifiques

Marie-Luce Demonet & Alain Legros (Centre d’études supérieures de la Renaissance – CESR-UMR 7323), « La bibliothèque de Montaigne : explorer et ressentir le lieu, ouvrir et comprendre les livres »

La reconstitution de la bibliothèque de Montaigne (le lieu, les étagères et les livres) a déjà presque dix ans : seront présentées non seulement les différentes étapes et l’historique du projet avant même qu’il ait pu être financé par un programme ANR (Alain Legros), mais aussi les limites de la numesthésie applicable à ce type de réalisation (Marie-Luce Demonet). Si des prolongements immersifs étaient envisageables, de quelles expériences pourrait-on s’inspirer ? Quels profits en tirer et auprès de quels publics ?

Laura Bontemps (Cergy Paris Université, Hértages-UMR 9022 & Map-Maacc-UMR 3495), « L’usage des archives photographiques en modélisation 3D à Karnak : effleurer le passé »

Effleurer le passé dans les temples de Karnak est l’expérience de chaque pas. Mais si les pierres et l’architecture nous parlent, les photographies d’archives viennent elles aussi conter une histoire, celle du récit moderne du complexe archéologique. La réutilisation des photographies – aux techniques et supports différents – comme matériau de base à la modélisation 3D vient perturber, modifier leur nature et destination d’origine, tout en amenant à la recherche de nouvelles facettes de l’histoire de la conservation à Karnak. Nous déroulerons le fil sensoriel qui relie les clichés anciens, le récit qu’ils nous livrent, à la réalité matérielle du site aujourd’hui, ainsi que la manière dont nous pouvons exprimer la bascule de l’espace physique à l’espace numérique.

15h45Pause

16h00Session 3 – En quête d’outils

Tony Gheeraert (Université de Rouen Normandie), « “Comment construire un univers qui ne tombe pas en morceaux au bout de deux jours ?” Présentation d’Unreal Engine 5.1 »

« Comment construire un univers qui ne tombe pas en morceaux au bout de deux jours ? » interrogeait en 1978 Philip K. Dick, pour s’effrayer déjà de la prolifération de mondes virtuels. Sans entrer dans le débat philosophique ou politique, il apparaît que nous disposons aujourd’hui d’outils qui permettent la création pérenne d’univers 3D, accessibles gratuitement et de qualité professionnelle. Originellement conçus pour créer des jeux vidéo, ils sont désormais couramment utilisés par des cinéastes, des architectes, ou des archéologues. Si leur utilisation avancée exige de longues formations et souvent des équipes imposantes, il est néanmoins possible pour un non-initié de prendre en main ces logiciels afin au moins de prendre conscience de leur mode d’emploi. Parmi ces plates-formes, Unreal Engine tend aujourd’hui à devenir la principale référence. Nous en présenterons rapidement les principales fonctionnalités, et tâcherons de montrer sommairement comment créer les bases d’un univers 3D – destiné celui-là à s’effondrer très vite.

17h30 Clôture de la journée


TÉLÉCHARGEMENT

| Programme de la journée


INSCRIPTIONS

Les journées peuvent également être suivies en ligne. Le lien de connexion est envoyé par mail après inscription sur SciencesConf des Journées EVEille 2023