Valeur sociale et valeur lexicale dans l’évolution des termes d’adresse. L’exemple du grec ancien.

Date : 8 décembre 2020
Horaire : 16h30-18h00
Lieu : UFR LSH | Bât. 3 | Salle A600 | Mont-Saint-Aignan

Camille DENIZOT (cdenizot@parisnanterre.fr) est maître de conférences de linguistique grecque à l’université Paris Nanterre. Ses recherches portent sur la syntaxe, la sémantique et la pragmatique du grec ancien. Après avoir travaillé sur les formes linguistiques de l’injonction dans cette langue (Donner des ordres en grec ancien. Étude linguistique des formes de l’injonction, 2011, Mont-Saint-Aignan, PURH), elle s’intéresse à présent à plusieurs questions : dans une perspective pragmatique, aux questions de politesse et aux termes d’adresse, et dans une perspective syntaxique et sémantique, à l’expression de l’éventualité et aux négations multiples du grec.

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On reconnaît, au moins depuis Zwicky (1974), que les syntagmes nominaux ont une valeur d’adresse (vocative NP dans ses termes) distincte de leur valeur lexicale. La relation entre ces deux valeurs est souvent comprise en termes diachroniques : c’est en raison de leur sens lexical que les termes d’adresse développent une valeur sociale, laquelle peut s’éloigner progressivement du sens lexical (cf. Braun 1988). C’est le cas par exemple de monsieur en français qui n’a plus de rapport, en synchronie, avec son sens lexical (« mon seigneur »). La nature de la relation diachronique entre ces deux valeurs est cependant plus complexe, comme le montrent quelques exemples du grec ancien.

Le grec ancien présente en effet deux caractéristiques pertinentes pour cette exploration. D’une part, en l’absence de distinction T/V dans cette langue, l’adresse ne repose pas sur les pronoms mais sur les catégories nominales (noms, adjectifs), qui forment donc un vaste système (voir Dickey 1996). D’autre part, outre les marques prosodiques et positionnelles partagées par une langue comme le français, le grec ancien dispose de deux marques pour les termes d’adresse, une marque casuelle (le vocatif) et la présence d’une particule, ɔ̂: (ὦ) qui se généralise devant les vocatifs à l’époque classique.

Différents emplois en grec ancien permettent ainsi de reformuler la relation diachronique entre valeur sociale et valeur lexicale des termes d’adresse :

a) dans quelques cas, la valeur d’adresse a pu influencer en retour le nom ou l’adjectif, y compris dans leurs emplois référentiels ;

b) dans le cas d’un adjectif, on peut observer le figement, entre l’époque archaïque et l’époque classique, de sa valeur d’adresse, indépendamment de sa valeur lexicale ;

c) dans le cas de termes lexicalement obscurs (pour nous comme pour les Grecs de l’antiquité), un emploi comme terme d’adresse est possible et ce sur plusieurs siècles.

 

Références

  • Braun F., 1988. Terms of Address : Problems of Patterns and Usage in Various Languages and Cultures. Berlin, Mouton de Gruyter.
  • Dickey E., 1996. Greek Forms of Address. From Herodotus to Lucian. Clarendon Press, Oxford., 3(1). 133.
  • Zwicky A. M., 1974, « Hey,whatsyourname ! », in M. W. La Galy, R. A. Fow and A. Bruck (eds.), Papers from the Tenth Regional Meeting of the Chicago Linguistic Society (Chicago) 787-801.

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