Pédagogie et théorie de la connaissance : l’apport d’Ernst Cassirer

Date : 20 février 2018
Horaire : 09h15 - 18h00
Lieu : Maison de l'Université | Salle divisible nord | Mont-Saint-Aignan

3e journée d’étude franco-allemande

Tout comme les deux journées précédentes, cette journée s’inscrit dans un effort pour développer une approche philosophique du national-socialisme. Ce projet qui implique une forte dimension interdisciplinaire, a été présenté lors de la « Journée de la Recherche » le 21 novembre 2015 à l’université de Rouen.

Cette fois-ci, nous entendons explorer les ressources didactiques de la vie et de l’œuvre d’Ernst Cassirer (1874-1945). En effet, depuis le livre quasi emblématique de Peter Gordon (Gordon 2010), la défaite de la philosophie dans le combat contre le national-socialisme par le biais de la vie et l’œuvre de Martin Heidegger (Faye 2016), semble entérinée. Et de fait, nous voyons depuis des décennies une mécanisation du système de l’éducation et de formation qui conforte cette hypothèse : le monde aurait-il basculé entièrement dans ce paradigme de la « correction vitale » (Gamm 1964) ?

Néanmoins, une lecture prudente du livre de Peter Gordon permet de prendre conscience que les choses ne sont pas si simples. Gordon, en effet, relève bien des potentialités dans la philosophie de Cassirer et il critique vertement les successeurs de Heidegger. Cette ambiguïté invite à creuser la question.

De même, nos recherches pendant ces dernières années nous ont fait prendre conscience que l’on est face à un effet de contorsion du temps (Blumenberg 2006) : non seulement le travail de Cassirer précède chronologiquement l’entreprise heideggérienne, mais on peut montrer la présence chez Heidegger d’une stratégie de plagiat.

Cassirer publie entre 1906 et 1920 trois volumes qui retracent l’évolution du Problème de la connaissance dans la modernité (Cassirer I-III). Ce titre, qui résume en quelque sorte le noyau de son œuvre, nous sert donc d’appui pour nous interroger sur sa démarche. Nous défendons l’idée que cette œuvre s’inscrit dans le fil droit de la translatio studii, arbitrairement mise en abime par des courants qui convergent pour créer un climat spécifiquement antihumaniste et dont l’hitlérisme est l’excroissance la plus provocateur au plan moral et éthique (Lefebvre 2001 ; Toussaint 2008 ; Rastier 2013).

Une telle recherche permet de compléter l’analyse du dispositif national-socialiste lequel a profondément déstabilisé la confiance de l’homme en instituant un climat d’insécurité. Pour autant, cette déstabilisation est largement mise au compte de la philosophie moderne. Une telle vision simpliste n’est pas soutenable et invite à revisiter les 14 années de la Kampfzeit (1919-1933), donc les années cruciales de la montée en puissance du national-socialisme. Dans ce sens, l’étude de la philosophie de Cassirer permet d’ouvrir des horizons et perspectives actuellement encore obstruées.

Il est conseillé de se référer aux travaux suivants :

RÉFÉRENCES

  • BLUMENBERG, Hans (2006), Arbeit am Mythos (1984), Francfort s/M, suhrkamp, 699 p.
  • CASSIRER Ernst (I – IV), Le Problème de la connaissance, t. I : De Nicolas de Cues à Bayle, t. II : De Bacon à Kant, t. III : Les systèmes post-kantiens, t. IV : De la mort de Hegel aux temps présents, Paris, Éditions du Cerf : Œuvres t. XIX, XX, XVII, XVIII.
  • GAMM, Hanns Jochen (1964), Führung und Verführung. Pädagogik des Nationalsozialismus, Munich, List, 499 p.
  • FAYE, Emmanuel (2016), Arendt et Heidegger : extermination nazie et destruction de la
    pensée, Paris : Albin Michel, 554 p.
  • GORDON, Peter E. Continental Divide: Heidegger, Cassirer, Davos, Cambridge/London, Harvard University Press, 426 p.
  • LARTILLOT, Françoise (dir.) (2003), Geist und Leben, Paris, L’Harmattan, 316 p.
  • LASSÈGUE, Jean (2016), Ernst Cassirer, du transcendantal au sémiotique, Partis, Vrin, 2432p.
  • LEFEBVRE, Henri (2001), L’existentialisme (1946), Paris, Anthropos, XLVIII.252 p.
  • RASTIER, François (2013), Apprendre pour transmettre. L’éducation contre l’idéologie managériale, Paris, PUF, 255 p.
  • TOUSSAINT, Stéphane (2008), Humanismes, antihumanismes. De Ficin à Heidegger 1 : Humanitas et rentabilité, Paris, Les Belles Lettres, 332 p.

PROGRAMME

Modération Maryvonne Holzem

Leonore Bazinek – Présentation du projet

I. Pédagogie et théorie de la connaissance

Anaïs Benhammou – « La fonction “Goethe” dans la pensée de Cassirer. Une réflexion à partir des travaux de Françoise Lartillot »
Répondant Aminata Soukhouna

Alexandra Schotte – « Grundzüge Herbartscher Positionen und die Rezeption durch Ernst Cassirer »
Répondant César Castroarias

Pause déjeuner

II. Ernst Cassirer : Examen du mythe

Jean Lassègue – Une perspective socio-sémiotique sur la notion de forme symbolique
Répondant Gauthier Abiven

Marie-Louise Martinez La critique de l’Etat « mythique » allemand par Durkheim en 1916 et le Mythe de l’Etat (1946) de Cassirer : dimension comparative
Répondant Dansy Tiélé-Gambia

Emmanuel Faye – Enseigner le Mythe de l’Etat
Répondant
Anaïs Benhammou

III. En guise de bilan : l’enjeu du projet cassirerien

Table ronde et discussion générale