Le porteur. A propos de la réception littéraire, photographique, filmique et artistique d’une figure porteuse de l’histoire coloniale

Date : 2-4 mai 2016
Lieu : Saint-Denis de La Réunion

Comité d’organisation : Sonja Malzner ; Anne Peiter ; Romain Bègue.
Contact : sonja.malzner@univ-rouen.fr

Programme

09.00-09.15 : Anne Peiter / Sonja Malzner/ Laurence Macé : Begrüßung, Organisatorisches zur Konferenz / Ouverture du colloque, questions d’organisation

09.15-09.35 : Anne Peiter / Sonja Malzner : Kleine Einführung / Petite introduction

Träger in Afrika aus historischer Perspektive /

Les porteurs en Afrique dans une
perspective historique

09.45-10.20 : Clemens Gütl (Wien), In Diensten des österreichischen Kolonialismus: Rekonstruktion der Lebensgeschichte von Mori Duise

Kaffeepause / Pause-café

10.40-11.15 : Esaje Djomo (Dschang), Du porteur au porté. Figurations du portage en Afrique coloniale et postcoloniale

11.15-11.50 : Marianne Zappen-Thomson (Windhoek), „Der Träger“ – mal ganz anders

11.50-12.25 : Sylvère Mbondobari (Libreville/ Saarbrücken), Pour une histoire culturelle du porteur. Représentions collectives et pratiques discursives

Diskussion / Discussion

Mittagspause / Pause déjeuner

13.30-14.05 : Andreas Greiner (Bern), „Zügellos wie Matrosen”. Alltag und Auflehnung afrikanischer Träger in europäischen Expeditionen

14.05-14.40 : Boniface Kizobo O’Bweng-Okwess (Lubumbashi), Les Porteurs durant les campagnes belgo-congolaises en Afrique Orientale Allemande (1914-1918) d’après les archives du Général Tombeur

14.40-15.15 : Danielle Zeiß (Paris), Homme blanc – Indigène noir – Bétail : quel « porteur » pour la pénétration du territoire de l’actuel Burkina Faso (1853-1897) ?

Kaffeepause / Pause-café

Träger im Indischen Ozean und anderswo/

Les porteurs dans l’océan Indien et ailleurs

15.45-16.20 : Hatuma Sako (Montréal/Paris), Qu’est-ce que porter veut dire dans les environnements arctiques ?

16.20-16.55 : Marlene Tolède (La Réunion), « J’ai appris beaucoup de choses avec eux ». Relations entre explorateurs allemands et porteurs indigènes en Afrique et à La Réunion

Diskussion / Discussion

17.30 : Literarische Lesung / Lecture littéraire, Sylvie Kandé

3. Mai / 3 mai 2016

(Bibliothèque Départementale)

Träger im Indischen Ozean und anderswo/

Les porteurs dans l’océan Indien et ailleurs

09.00-09.35 : Frédéric Garan (La Réunion), Du porteur de Filanjana au porteur de valises. Tourisme et porteurs à Madagascar (Fin XIXe – années 1970)

09.35-10.10 : Ludolf Pelizaeus (Amiens), Formes et fonctions des porteurs en Amérique du Sud du XIVe au XIXe siècle à travers des rapports de Guaman Poma, Alexandre d’Humboldt, Joseph Maurice Rugendas et Robert Lehmann Nitsche

Diskussion / Discussion

Kaffeepause / Pause-café

Träger im Bild, im Kino und in der Literatur /

Les porteurs dans l’image, au cinéma
et dans la littérature

10.30-11.05 : Vera Schulz (Berlin/Florenz), Beyond Warburg? Bildträger und Bilder-Träger

11.05-11.40 : Anne Peiter (La Réunion), Kongolesische Träger und „zivilisatorischer Fortschritt“ im Bericht der belgischen Enquête-Kommission  (1904)

11.40-12.10 : Sonja Malzner (Rouen), Der Träger als Individuum und Mittler? Zur Darstellung von afrikanischen Trägern in illustrierten Reiseberichten

Diskussion / Discussion

12.30 : Wanderung und Picknick / Promenade – Pique-nique

16.30 : Vernissage de l’Exposition Le Porteur et scène théâtrale « En attendant Godot » par les étudiants du département d’Allemand (Bibliothèque Universitaire, Campus du Moufia)

4. Mai / 4 mai

(Université de la Réunion – Campus du Moufia – Amphithéâtre 4 Michel Polenyk)

09.30-10.05 : Catherine Gravet (Mons), Quand le porteur est une porteuse. Simone et André Schwarz-Bart : les femmes « porteuses » ou comment se libérer de l’esclavage

10.05-10.40 : Sylvie Kandé (New York), Le roman Le silence de la forêt d’Etienne Goyémidé et le film éponyme de Bassek Ba Kobhio

Diskussion / Discussion

Kaffeepause / Pause-café

11.00-11.35 : Mareike Vennen (Berlin), Von der Knochenarbeit der Träger. Mediale Inszenierungen afrikanischer Fossilienträger 1909-1920 oder: Was Bilder (nicht) zeigen

11.35-12.10 : Niels Hollmeier (Düsseldorf), „Von Trägern und Askari – Heia Safari!“ – Symbolik und Repräsentation von afrikanischen Hilfskräften und
–soldaten im Kolonialspielfilm, 1917-1943

Diskussion / Discussion

Mittagspause / Pause déjeuner

14.00-17.00 : Workshop / Atelier : Exposition virtuelle / Online-Ausstellung

17.00 : Clôture du colloque / Schlussrunde

Argumentaire : L’histoire de l’expansion européenne et de la colonisation ne peut pas être pensée sans certaines figures centrales : les porteurs font partie de celles-ci. Ce sont eux qui ont permis l’avancée dans les terres des découvreurs européens aussi bien que le développement de certaines régions excentrées (comme par exemple Cilaos ou Salazie sur l’île de la Réunion) par leurs connaissances du pays, mais aussi par la force de leurs muscles qu’ils mettaient au service des étrangers – de façon volontaire ou forcée. Comme les porteurs étaient le plus souvent recrutés par groupes, l’individu n’était pas distingué en tant que tel par les Européens, mais s’égrenait dans le collectif. De ce fait, leur rôle central en tant que médiateurs entre les cultures, aux niveaux économique, politique ainsi que sociétal, est le plus souvent sous-estimé. Ce paradoxe se reflète dans les récits de voyage, mais aussi dans la représentation visuelle (photographie, film, peinture, etc.) du travail qu’ils accomplissent.

D’un côté s’est forgé, en un véritable topos, le motif du porteur révolté et désobéissant, avec le danger qui en résulte pour le pouvoir colonial. Celui-ci implique, paradoxalement, la conscience des Européens qu’une expédition (de taille indifférente) ainsi que l’organisation et la construction d’une infrastructure coloniale (par exemple les réseaux de chemin de fer) n’étaient pas pensables sans porteurs. D’un autre côté, en dépit de cette conscience d’être dépendants des porteurs, on remarque un effort des Européens de s’auto-représenter comme les vrais porteurs, ceux qui portent la part la plus lourde : la responsabilité. Ce que Hannah Arendt appelle « le monopole total de responsabilité » (« totales Verantwortungsmonopol ») est fondateur d’une représentation qui est censée rendre plausible la passivité des porteurs et leur incapacité de « faire bouger » l’histoire. En tête des colonnes, comme on les voit dans certaines bandes dessinées d’Hergé ou sur des photographies d’Afrique Noire, figurent donc toujours ceux qui se considèrent être les vrais « porteurs » du projet de conquête. Ce sont des hommes qui n’ont rien à porter (sauf la responsabilité de « penser en termes de continent » ) : des Européens qui montrent la direction.

En ce qui concerne le portage militaire et commercial, on peut constater que le transport de biens et de matériel était défini par plusieurs points dans l’espace : le point de départ des porteurs et les points divers où les Européens attendaient que leur marchandise arrive, puisqu’une fois installés dans leurs « stations », ils ne participaient plus aux transports. C’étaient donc les « Noirs » qui étaient en mouvement, les « Blancs » ne faisant qu’attendre. Dans le contexte de voyages, le rôle du porteur est différent. Ici, on avance ensemble – souvent pendant des semaines –, et on commence à se connaître, bon gré mal gré. Comme par exemple lors d’un voyage en tipoye, un des moyens de transport les plus répandus dans les colonies africaines. Ainsi, en Oubangui-Chari, chaque Européen avait droit à quatre tipoyeurs qui le portaient partout où il voulait.

Dans ces situations d’extrême dépendance ainsi qu’en raison de contraintes techniques, il est bien possible que l’un ou l’autre des porteurs prenne le relais, comme par exemple sur la seule photographie prise sur la cime du Mont Everest, lors de la première ascension en 1953. Sur cette photo – célèbre –, on ne voit pas Edmund Hillary, mais son accompagnateur, le Sherpa Tenzing Norgay, parce que celui-ci ne savait pas manipuler l’appareil. Dans l’archive photographique, Tenzing Norgay devient ainsi le porteur le plus célèbre de notre temps ; la photographie, elle, nous incite à prêter plus d’attention au rôle central de ces accompagnateurs.

Dans le contexte d’un voyage commun, les porteurs peuvent devenir, de façon volontaire ou non, de véritables médiateurs entre autochtones et étrangers, médiateurs au service des           « transferts culturels » (cf. les travaux de Michel Espagne). Ce sont eux qui se rapprochent le plus de l’étranger et la question est de savoir comment ces médiateurs sont représentés et évalués, si leur rôle de médiateur entre autochtones et étrangers est discerné en tant que tel, dans les textes et dans les images, du côté des autochtones et du côté des étrangers. Pour entamer une analyse de la perception de ce personnage du porteur, on pourrait donc commencer par des questions très concrètes dépassant le schéma binaire :

  • Comment les porteurs étaient-ils recrutés en fonction des contextes historiques et géographiques ?
    – Quelles charges devaient-ils porter ? Quelles conséquences découlaient de ces charges différentes pour leur travail et leur quotidien ? (quelles conséquences sur la mortalité des porteurs ?)
    – Pour quelle durée les recrutait-on ? Combien de temps s’absentaient-ils de leurs villages ? S’agissait-il de recrutements ponctuels ou bien le métier de porteur existait-il réellement ?
    – Les femmes et enfants faisaient-ils partie de la colonne et quelle/s fonction/s occupaient-ils ? Et aient-ils obligés de suivre leur mari et père pour des raisons économiques ? Peut-on remarquer une différence de traitement entre les hommes et les femmes porteurs ?
  • Quel traitement était réservé aux porteurs supposés « paresseux » ou « rebelles »? Quel système de punition existait-il pour les faire obéir ?
    – Comment était organisé le ravitaillement des porteurs et de leurs familles ? Existait-il des contrats définissant l’équipement des porteurs ? Et dans quelle mesure la qualité de l’équipement des porteurs et de leurs « employeurs » avait-elle un impact sur la santé (ou la mortalité) des uns et des autres ?
    – Peut-on déceler des différends à l’origine de conflits réguliers entre les deux parties ? Comment ces conflits étaient-ils réglés ? Quel rôle jouait la supposée « paresse » du porteur dans le corpus étudié (en Afrique aussi bien qu’en Chine, en Indochine ou dans l’Himalaya) ?
    – Quelles étaient les conséquences économiques, sociales, politiques et psychologiques du portage pour les populations autochtones en général ? Que dit le scénario des BDs de la question de la volonté et du libre-arbitre ?
    – Quel était le rôle des porteurs dans le transfert des savoirs entre les autochtones et les étrangers ? Quels savoirs étaient transmis par eux ?

Puisque notre intérêt central est celui de la représentation de ces enjeux, dans le texte et dans l’image, les pistes d’analyse seront examinées lors du colloque :

– Comment la figure du porteur est-elle représentée ? Quel rôle lui est attribué au sein d’un ouvrage ?
– Comment l’idée de l’« héroïsme » (entendu comme concept de l’époque) se traduit-elle dans le contexte des expéditions ? Dans quelles conditions un porteur peut-il devenir une sorte de « héros » ? Et à quel moment une telle égalité lui est-elle refusée ou retirée ?
– Quelle importance est accordée au porteur en tant que médiateur culturel ou porteur des savoirs ?
– Est-ce que l’un d’entre eux peut devenir individu dans un contexte d’échange intense ?
– Comment le portage a t-il été perçu par les médias de l’époque (et d’aujourd’hui) – en Europe et sur place ?

Pour tenter d’éclairer certaines de ces questions, les participants du colloque vont puiser dans le corpus fictionnel et documentaire. Toutefois, nous voudrions mettre l’accent sur des sources visuelles et des sources croisant le texte et l’image. Pour cela, bandes-dessinées, graphic-novels, récits de voyage (illustrés) ainsi que collections de photographies (p.ex. dans le contexte des expositions coloniales), cartes postales, magazines, matériel filmique, études scientifiques, rapports officiels ou bien ouvrages de la littérature (post)coloniale d’Europe, d’Asie ou d’Afrique sont proposés comme supports à étudier.

Dans un esprit résolument interdisciplinaire, nous avons invité les chercheurs des diverses disciplines à participer à cette discussion et aux questions qui en découlent. Historiens, littéraires, chercheurs en sciences des médias et de l’art, en anthropologie, tibétologie, sociologie ou bien africanistique. En outre, nous avons explicitement encouragé les jeunes chercheurs à ne pas se laisser intimider par la participation de spécialistes. Lors du colloque, jeunes chercheurs et chercheurs confirmés vont donc se rencontrer.

En exploitant pour la première fois un fond important de la Bibliothèque Universitaire du Moufia – le Fond Polenyk, spécialisé en histoire coloniale allemande –, nous contribuons en plus à la découverte d’une partie de l’archive de l’île de la Réunion non traitée jusque-ici.

La coopération entre l’Université de la Réunion, l’Université de Rouen, la ville de Cilaos, trois bibliothèques réunionnaises, l’Ecole Supérieure des Arts de la Réunion ainsi que les archives départementales de la Réunion et l’Iconothèque de l’Océan Indien a pour but de faire profiter toutes ces institutions de l’exposition qui est en train de se faire.

Programme PDFProgramme ‘Le porteur’

Résumés PDF : livret resumes colloque le porteur:

Affiche PDF : Porteur/Träger