La grammaire de l’intersubjectivité dialogale, dialogique et discursive en breton

Date : 5 novembre 2019
Horaire : 16h30-18h00
Lieu : UFR LSH | Bât. 3 | Salle A600 | Mont-Saint-Aignan

Didier BOTTINEAU, chargé de recherches CNRS (Sciences du langage), UMR 5191 ICAR (Interactions, Corpus, Apprentissages, Représentations) – Université Lyon 2

Lorsque l’on décrit une langue, on relie généralement les classes de mots à des formats conceptuels, les marqueurs grammaticaux à des modèles de relations et de paramètres (personne, temps, aspect, modalité, évidentialité…), et les enchaînements syntaxiques à la structure de l’information. L’intersubjectivité ne joue pas un rôle majeur parmi les critères sur lesquels s’appuient les descriptions (pour le dialogisme des faits de langue, cf. Langue française 163, 2009/3, J. Bres et S. Mellet (dir)).

Par rapport à cela, cette présentation vise à montrer que dans le cas du breton, il est nécessaire d’inclure les différentes configurations de l’intersubjectivité parmi les critères qui organisent les paradigmes morphologiques et les structures syntaxiques. Dans les énoncés simples, le breton commence par un élément initial qui détermine la structure du groupe verbal et dont le choix est motivé par des paramètres d’ordre dialogal ou dialogique selon le type de discours et le contexte. Dans le domaine de la complémentation du verbe, le breton alterne des compléments d’objet directs ou obliques en fonction de critères analogues. Dans le domaine des temps et modes verbaux, le breton alterne notamment deux conditionnels (simples) en fonction de la relation dialogale; et il possède un mode verbal fréquentatif dont l’emploi se relie autant à la fréquence du procès qu’à celle de l’énonciation le concernant. Dans le domaine de la phrase complexe, le breton s’appuie sur un appareil de particules préverbales qui permet de conduire en temps réel la progression des connexions syntaxiques tant du côté du locuteur en instance de production que de celui de l’allocutaire en instance d’interprétation, et de gérer la collaboration intersubjective dans la co-construction du sens (cf; la chronosyntaxe d’Y. Macchi et la online syntax de P. Auer).

On montrera donc à travers divers faits de langue (syntaxe de l’énoncé simple et complexe, complémentation du verbe, structure du groupe nominal, temps et modes verbaux) que diverses formes d’intersubjectivité (dialogale et dialogique) jouent un rôle structurant et cohérent dans l’organisation générale du système de la langue, sur laquelle il est possible de porter un regard unitaire, d’en comprendre « l’esprit », de sentir les modalités spécifiques par lesquelles on se relie à autrui en s’exprimant dans cette langue, et in fine d’en tirer des enseignements didactisables pour l’enseignement du breton comme langue seconde.