Avant-propos

Auteur : Milagros TORRES et Miguel A. OLMOS

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« Bien, tú has querido, con tu propia obstinación, que hayamos acabado por llegar a una situación que bien podría y debería haberse evitado y que es para ambos igualmente indeseable. Bien lo sabías o lo adivinabas la primera vez ; mejor lo supiste y hasta corroboraste la segunda ; ¡ y a despecho de todo te has empeñado en volver una tercera ! ¡ Sea, pues ! ¡ Tú lo has querido ! Ahora te irás como las otras veces, pero esta vez no volverás jamás. Ya no es por asesino. Tampoco es por ladrón. Ahora es por lobo ».

Rafael SÁNCHEZ FERLOSIO, « El reincidente »

C’est écrit ; c’est écrit mais où ? Le livre du destin est absent des bibliothèques. Il s’écrit a posteriori, car ses lignes, faites de chair et de vent, de terre et d’étoiles, ne sont pas lisibles lorsqu’on essaie de les appréhender. Elles s’imposent à nous lorsqu’on ne les cherche pas. Le destin se lit après : après quoi ? Après coup. Après la chose, après le temps, après l’évènement ; après la prise de liberté ?

La liberté serait-elle la plume du destin ? Elle le révèle et le provoque. Peut-elle modifier le cours de ses eaux, souvent troubles ? Et le hasard ? Et les coïncidences ? On a dit c’est écrit, mais on ne sait pas quoi, ni où, ni pourquoi. Certains diront c’était écrit, d’autres non. Le destin tranquillise et inquiète, calme et désespère ; il résigne et il révolte. Le destin se pense au futur et se dit au passé, car rien n’est vraiment prévisible en ce qui concerne l’essentiel.

Le théâtre se prête peut-être mieux que n’importe quel autre genre à sa représentation. Car le théâtre se tient près des choses et le destin semble tenir les fils qui les font bouger. C’est la tragédie ancienne qui lui a consacré tout d’abord un espace de réflexion et de matérialisation : le destin a pris corps en Grèce pour inspirer les littératures qui ont suivi. Et aujourd’hui nous nous réunissons pour dialoguer à ce propos, avec la richesse offerte par nos différentes disciplines. L’inépuisable sujet prendra corps grâce aux dires de chacun, à la parcelle limitée que chacun de nous laboure, pour faire surgir des résonances thématiques qui s’entrecroiseront à l’infini.

Peut-on choisir sa destinée ? Il s’agit de réfléchir sur l’essence de la vie de l’homme sur terre à travers les systèmes de représentation des genres dramatiques. Réfléchir sur le temps et sur l’espace qui conditionnent la naissance d’un individu devenu personnage, sur l’hérédité et sur les conditions familiales et sociales, pour parvenir à s’interroger sur ses possibilités de choisir et sur les limites de son action. De la conception mythique et tragique du héros grec aux manifestations dramaturgiques modernes de ce questionnement, en passant par la production théâtrale du Siècle d’Or espagnol, nous nous proposons d’explorer des notions telles que transcendance, hasard, accident, mais aussi excès, chaos et ordre, responsabilité, intérêt collectif, plaisir individuel, c’est-à-dire une constellation conceptuelle qui sous-tend la notion de liberté, condition sine qua non de l’humain. Et pourtant, cette liberté paraît parfois bien limitée, que ce soit dans les œuvres ou dans nos vies. C’est écrit entre les lignes. Toutefois, il s’agira également d’examiner la dimension rhétorique et l’esthétique de la représentation théâtrale, sa nature corporelle et spectaculaire liée au rôle de l’acteur, sa réception liée à une catharsis possible.

La journée d’études dont nous publions aujourd’hui quelques-uns des fruits a permis un débat riche où la littérature espagnole, la pensée philosophique, les littératures anciennes ainsi que d’autres littératures européennes – anglaise, allemande, française et italienne – ont pu trouver un espace d’échange et de réflexion commune dans les voix de : Paul Sudaka, Ginette Vagenheim, Claire Gheraert-Graffeuille, Giuseppe Grilli, Monique Güell, Maria Grazia Profeti, Jean-Marie Winkler, Serge Salaün, Miguel Olmos, Milagros Torres.

Les éditeurs tiennent à remercier Mme Laurence Villard, vice-présidente de l’université de Rouen, de son soutien lors de la Journée du 17 avril 2009, ainsi que Mme Sofía Moncó Taracena, membre associée de l’ERIAC et très chère collègue, pour son aide technique précieuse lors de la composition des textes du présent volume.

 

Pour citer l'article

Milagros TORRES et Miguel A. OLMOS « Avant-propos »,
Travaux et Documents Hispaniques / TDH, 4, 2012,
'Fatum' : destin et liberté dans le théâtre

© Publications Electroniques de l’ERIAC, 2012.

URL : http://eriac.univ-rouen.fr/avant-propos-2/