Appel à communications « Rencontres poétiques en Normandie, 2 »

Colloque organisé par Sandrine Lascaux (Université du Havre – GRIC EA 4314),  Bénédicte Mathios (Université de de Clermont-Ferrand – CELIS UPR 4280) et Miguel Olmos (Université de Rouen Normandie – ERIAC UR 4705) à l’université du Havre les 3 et 4 octobre 2024.

Fr

ARGUMENTAIRE

Dynamiques de la voix dans la poésie hispanique de 1975 à nos jours : traduction, interprétation, reprises

Lire, c’est laisser vibrer les modulations d’un absent. Dans le silence de soi qui accompagne l’exploration d’un poème, se fait entendre une voix qui devient, lorsqu’on la fréquente, familière et reconnaissable. C’est d’abord le poète qui fait l’expérience de cet événement énigmatique, l’arrivée de sa voix : il ne la possède pas, ne peut la convoquer à loisir ; elle lui advient quand et comme elle veut, elle peut ne pas répondre. Obéit-elle à une forme de mystique du langage ? (« ce n’est pas moi qui parle dans le poème, c’est le langage qui parle en moi »). Est-elle le fruit d’une « pulsion », d’une force inconnue qui s’actualise, s’érige et advient ? (« ce qui parle c’est l’autre en moi »). La voix serait bien à la fois impersonnelle (elle n’est pas la mienne) et singulière (elle est un autre que moi, selon Ancet).

Toute écriture ne sera qu’une transposition de la parole, toujours là, d’ailleurs vivante, prête à se faire entendre « d’une autre oreille », dans une nouvelle apparence ou parure : traductions, reprises, lectures critiques viendront sans cesse travailler, renouveler et refondre la voix vive du poème. La traduction de la poésie relève ainsi toujours d’une « re-création », d’une « transposition créatrice » (Jakobson, Delbouille). Chaque traducteur aura ainsi pour tâche de saisir comment la voix assure une sorte de continuité dans le poème, tout en dégageant des échos, des ressemblances, des rapports. Ce ne sont pas simplement les mots qu’il faut traduire mais un « rythme » : traduire, c’est « rerythmiser » un texte (Meschonnic) et tout ce qui relève de l’oralité (le son, la couleur, le mouvement, l’atmosphère, selon Larbaud). Le traducteur aura à cœur de conserver la voix entendue chez l’étranger « telle qu’on l’entend en soi-même » (Guillevic). Quelles solutions ont-ils pu trouver à ce qui s’apparente le plus souvent à un défi poétique impossible ? De quelles façons les voix qui accompagnent le traducteur participent des choix interprétatifs d’une traduction qui peut alors se lire comme un feuilleté d’imaginaires poétiques ?

Reprendre, représenter, reproduire… mais comment les versions d’un poème cohabitent-elles ? Quels rapports à « l’original », quel statut, dans la pratique, des voix dites « secondaires » ? Quels sont, d’autre part, les sens du geste même de reprise dans les processus de réécriture ? Réécrire, ce n’est pas seulement reprendre un texte passé ; un retour sur la propre voix est également impliqué. Quelles sont les préoccupations esthétiques de cette pratique ? Si la pratique s’inscrit dans une logique visant le perfectionnement, s’agit-il de combler un manque, de la recherche d’une forme qui laisse paraître ce qui aurait été perdu ou demeurerait enfoui ? Entendre la voix de la poésie, c’est aussi en parler, retrouver toutes ses résonnances. Le critique doit assurer « le passage du silence de l’homme qui parle » à « la parole de l’homme qui écoute » (Barthes). La critique consiste ainsi en une mise en rapport de deux paroles – dont l’une porte l’autre, en la convoquant, dans une sorte de parler avec ? Cette appropriation témoigne-t-elle d’une force que l’on puisse, strictement, appeler de création ?

Les propositions de communication (ou d’interventions sur des supports audiovisuels, sonores ou graphiques), rédigées en français et en espagnol comportant un titre, un bref résumé de la communication (5000 caractères espaces compris) ainsi qu’un profil biobibliographique (10 lignes maximum), avant le 31 janvier 2024.

Esp

ARGUMENTO

Dinámicas de la voz en la poesía hispánica de 1975 à nuestros días: traducción, interpretación, rescates

Leer, o modular la vibración de una voz que está ausente. En el silencio de la exploración del poema, se escucha algo que, con el tiempo, deviene familiar, reconocible. El poeta es el primero en experimentar ese acontecimiento enigmático, la venida de su propia voz: no la domina, no puede convocarla a su antojo; la voz llega cuando y como quiere —si quiere; puede no responder a la llamada. ¿Se trata de un lenguaje místico? (« no soy yo quien habla en el poema, es el lenguaje quien habla por mí »). ¿Es la consecuencia de una “pulsión”, una fuerza no conocida que se alza, se hace presente? (“lo que habla, es el otro que hay en mí”). La voz sería pues impersonal (no me pertenece) pero, a la vez, singular (es de alguien que no soy yo, según Ancet).

Cualquier escritura no será apenas más que un desplazamiento de la palabra, siempre presente, viva y dispuesta a hacerse oír diferentemente, con nuevas galas, en otro tono: traducciones, rescates, interpretaciones, « lecturas » críticas trabajan sin pausa para renovar y refundir la voz animada del poema. La traducción poética implica pues de costumbre una “re-creación”, una “transposición creativa” (Jakobson, Delbouille). Los traductores tratan de captar la continuidad del discurso por la voz, que también libera ecos, semejanzas, relaciones. No son las palabras, sin más, lo que hay que traducir, sino un “ritmo”. La traducción consiste en volver a “ritmar” (o rimar) el texto (Meschonnic), y todo aquello que concierne a su vocalidad (sonidos y colores, aires y movimientos, según Larbaud). El traductor se afanará en preservar voces ajenas, las que se escuchan fuera, tal y como “uno las entiende dentro de sí mismo” (Guillevic). ¿Qué soluciones se han encontrado para lo que parece, casi siempre, un desafío poético imposible? ¿De qué manera las voces que escucha el traductor participan en sus opciones críticas de traducción, todo un libro (un milhojas) de imaginarios poéticos?

Retomar, representar, reproducir… ¿Cómo conviven finalmente entre sí las versiones de un poema? ¿Qué relaciones mantienen con sus “originales”? ¿Cuál es, en la práctica, el estatuto de las múltiples voces “secundarias” del poema? ¿Qué significado tiene además el gesto mismo de la reescritura, de la versión, del rescate? No se trata sencillamente de retomar textos del pasado, puesto que también incluye un retorno a la propia voz. ¿Cuáles son las preocupaciones estéticas de estas prácticas? Si forman parte de una lógica de perfeccionamiento, ¿se trata de colmar una carencia, de buscar una forma que se habría perdido, que hubiera quedado oculta? Escuchar la voz de la poesía es también hablar de ella, o con ella; redescubrir todas sus resonancias. El crítico debe garantizar “el paso del silencio del hombre que habla” a “la palabra del hombre que escucha” (Barthes). La crítica consiste así en poner en relación dos lenguajes, uno de los cuales lleva al otro y lo convoca a un diálogo ¿Es esta asimilación testimonio de una fuerza que podamos, estrictamente, llamar fuerza creativa?

Las propuestas de comunicación (o intervenciones en medios audiovisuales, sonoros o gráficos), escritas en francés y español, incluyendo un título, un breve resumen de la comunicación (5000 caracteres incluyendo espacios) así como un perfil biobibliográfico (máximo 10 líneas), antes del 31 de enero de 2024.

BIBLIOGRAPHIE | BIBLIOGRAFÍA

  • Après Babel, traduire, Direction d’ouvrage Barbara Cassin, Arles, Marseille, Actes Sud, Mucem, 2016.
  • BAUTISTA, Carlos, Bréviaire d’un traducteur, Paris, Arléa, 2003.
  • ARON, Paul, Histoire du pastiche, Paris, PUF, 2008.
  • BERMAN, Antoine, « La retraduction comme espace de la traduction », Palimpsestes, 4, 1999, p. 1-7.
  • BLANCHOT, Maurice, Une Voix venue d’ailleurs. Sur les poèmes de Louis-René des Forêts,
  • Paris, Gallimard, 2002.
  • BOUGAILLET, Annick, L’Écriture imitative. Pastiche, parodie, collage, Paris, Nathan, 1996
  • CABOT Jérôme (dir.), Performances poétiques. Lormont, Eds. nouvelles Cécile Defaut, 2017.
  • CARY, E., Comment faut-il traduire ?, Lille, Presses universitaires, 1985.
  • COMBE, Dominique, « La référence dédoublée », dans Figures du sujet lyrique, dir. Dominique Rabaté, Paris, PUF, 1996.
  • COMPAGNON A., La Seconde Main, Paris, Seuil, 1979.
  • DELBOUILLE, P, Poésie et Sonorités, Paris, Les Belles Lettres, 1984.
  • DERRIDA, Jacques, La Voix et le phénomène. Introduction au problème du signe dans la phénoménologie de Husserl, Paris, PUF, 1967.
  • ECO, Umberto. Dire presque la même chose. Expériences de traduction, Paris, Editions Grasset et Fasquelle, 2006. 
  • ETKING, E., Un art en crise. Essai de poétique de la traduction poétique, L’Age d’homme, 1982.
  • GARCÍA CALVO, Agustín, Del ritmo del lenguaje, Barcelona, La gaya ciencia, 1975.
  • GRÉGOIRE Michael, MATHIOS Bénedicte, Traduction et contextes, contextes de la traduction, Paris, L’Harmattan, Collection Traductologie, 2018 et 2019.
  • GUSDORF, G., La parole, Paris, PUF, 1953.
  • HAMBURGER, Käte, Logique des genres littéraires [1957], trad. Pierre Cadiot, Paris, Seuil, 1986.
  • JAKOBSON, Roman, Essai de linguistique générale, Paris, Les Editions de Minuit, 1986.
  • JENNY, Laurent, La Parole singulière, Paris, Belin, 1990.
  • JOUSSE, Marcel, L’Anthropologie du geste I, Paris, Gallimard, 1974.
  • LADMIRAL, Jean-René (), Sourcier ou cibliste, Paris, Les Belles lettres, collection “Traductologiques”, 2014.
  • LE BIGOT, Claude, Les Polyphonies poétiques : Formes et territoires de la poésie contemporaine en langues romanes, Rennes, Presses universitaires, 2003.
  • MATHIOS Bénédicte (dir.), Sonnet et arts visuels : références, convergences, interactions, Berne, Peter Lang, 2012.
  • MAULPOIX, Jean-Michel, La Voix d’Orphée, Corti, 1989.
  • MESCHONNIC, Henri, Critique du rythme. Anthropologie historique du langage, Paris, Verdier, 1982.
  • MESCHONNIC, Henri, Poétique du traduire, Paris, Verdier, 1999.
  • MESCHONNIC, Henri, « Propositions pour une poétique de la traduction », Langage, 28, 1972.
  • MOYA, Virgilio, La selva de la traducción-Teorías traductológicas contemporáneas, Madrid, Cátedra, 2004.
  • OLMOS, Miguel (dir.), Traces et projections de la voix: douze études, Mont-Saint-Aignan, PURH, 2015.
  • PINSON, J.-C, Á quoi bon la poésie aujourd’hui, Nantes, Éditions Pleins feux, 1999.
  • PINSON, J.-C, Habiter en poète, Paris, Champ Vallon, 1995.
  • PUFF, Jean François (dir.), Dire la poésie ?, Eds. Cécile Defaut, 2015.
  • RABATÉ, Dominique, Figures du sujet lyrique, Paris, PUF, 1996.
  • RABATÉ, Dominique, Poétique de la Voix, Paris, Corti, 1999.
  • RABATÉ, Dominique, Gestes lyriques, Corti, 2013.
  • RICOEUR, Paul, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990.
  • RICOEUR, Paul, Sur la traduction, Paris, Les Belles Lettres, 2016
  • STIERLE, Karlheinz, « Identité du discours et transgression lyrique », Poétique, 32, 1977.
  • THÉLOT, Jérôme, Le Travail vivant de la poésie, Paris, Encre marine, 2013.
  • Le Texte et la voix. Hommage à M.-C. Zimmermann, coordonné par Laurence Breysse-Chanet, Anne Charlon, Henry Gil, Marina Mestre Zaragoza et Ina Salazar, Paris, Eds. hispaniques.
  • VASSE, Denis, L’Arbre de la voix. La chair, les mots et le souffle : le sujet naissant, Paris, Bayard, 2010.