De l’Aktion T4 à l’Aktion 14f13 : « des vies sans valeur »

Auteur : Georges BENSOUSSAN et Jean-Marie WINKLER (éds)
N° ISBN : 978-2-916966-08-3
Editeur : Revue d'histoire de la Shoah Numéro 199

Officiellement, le « programme T4 » (Aktion T4) a été arrêté par l’Allemagne nazie en août 1941 à la suite des protestations de l’évêque de Münster, Mgr von Galen. C’est là, pour partie, une légende. Si l’Aktion T4 semble en effet avoir été stoppée, c’est au premier chef parce que le quota fixé en octobre 1939 (20 % des aliénés) avait été atteint. En réalité, ce programme s’est poursuivi discrètement dans un pays où la santé publique, qui relevait du ministère de l’Intérieur, était une affaire de police. De plus, dès le mois d’avril 1941, la T4 a été doublée par un autre programme de mise à mort, l’Aktion 14f13, c’est-à-dire l’assassinat de détenus malades extraits des camps de concentration. Ainsi, les médecins responsables de la T4 ont-il continué à opérer à l’intérieur des Läger et à y sélectionner, souvent au vu d’une simple fiche, des hommes et des femmes qu’ils envoyaient sur-le-champ à la mort (généralement par le gaz) pour « inaptitude physique ». Le programme d’élimination des « vies indignes d’être vécues » (la « mort par compassion » dans la langue nazie) s’est donc poursuivi jusqu’en 1945 sous des noms et des lieux différents. Ces programmes jumeaux étaient portés par la même conviction d’un droit inégal à la vie. Mais aussi, en second lieu, par la certitude qu’au nom de la nature, la société se doit d’encourager les forts et de laisser mourir, voire de faire périr les faibles.

Intellectuellement, ces programmes sont étroitement liés au génocide des Juifs, mais aussi au massacre par la faim d’une large partie des prisonniers de guerre soviétiques. Ces politiques d’assassinat sont froidement démographiques. Enracinées dans une vision biologique du monde, elles disent l’essence radicalement antihumaniste du nazisme.