Ambiguïtés dans la dérivation

Date : 06 février 2018
Horaire : 16h30-18h30
Lieu : UFR LSH | Bât. 3 | Salle A600 | Mont-Saint-Aignan

Des recherches sur l’histoire du lexique latin ont conduit l’auteur à examiner plus particulièrement les formes qui ne peuvent se justifier par l’application stricte des lois diachroniques à l’héritage indo-européen. Les anomalies peuvent avoir des causes sociolinguistiques (échanges diatopiques ou diastratiques) mais elles peuvent aussi s’expliquer par le désir qu’ont les locuteurs d’optimiser l’outil quotidien qu’est la langue. C’est ce dernier point qui fait l’objet du présent exposé.

Mais, pour enquêter sur une langue connue seulement par l’écrit, on doit s’appuyer sur les données recueillies dans les langues vivantes.

L’exposé présente une grille d’analyse construite à partir d’exemples français et montre comment elle peut servir à éclairer certaines données latines.

Le locuteur, dans son apprentissage de la langue, enregistre un certain nombre de matrices dérivationnelles qui lui permettent de créer des mots nouveaux. Mais l’application n’en est pas mécanique, le locuteur gardant une certaine liberté.

Trois sources d’ambiguïté ont été identifiées :

(a) Convergence

Une même structure morphologique peut être l’aboutissement de matrices différentes, ce qui rend le sens difficilement prévisible (colorer ~ décolorer ; peindre ~ dépeindre).

(b) Réécritures synchroniques

Le locuteur peut réécrire un modèle dérivationnel (A => B => C) :

– en simplifiant la procédure par dérivation directe (A => C),

– en établissant une relation (B <=> C), avec effacement de A (permutation de suffixes : alcoolisme <=> alcoolique),

– en utilisant la réciproque (B => A : urgent => urger).

(c) Réanalyses (pseudo-suffixes / préfixes)

Les locuteurs font parfois des erreurs d’analyse en identifiant comme préfixe / suffixe des séquences phoniques qui n’en sont pas : pianoter, dénominatif de piano est analysé comme pian-oter « jouer un peu de piano » (cf. touss-oter) ; écumer signifie « faire de l’écume » (cf. mousse => mousser) et « enlever l’écume » (é-(é)cumer).

Pour chacune de ces anomalies, des exemples latins sont proposés.

Alain CHRISTOL est né en 1939 (Paris), a été reçu à l’Agrégation de grammaire en 1961 et a obtenu le Certificat d’Études Indiennes en 1968. De 1967 à 2004 (date de sa retraite), il a été enseignant en linguistique historique des langues classiques (latin, grec, sanskrit), comme assistant, maître-assistant puis maître de conférences (Département des Lettres Classiques, Université de Rouen). Depuis 1972, plus d’une centaine d’articles ont été publiés (26 d’entre eux et 2 inédits ont été réunis dans Des mots et des mythes, Rouen, PURH, 2008, (avec bibliographie de AC : p. 9-16).

Le thème dominant est la linguistique historique et comparative : phonétique, morphologie et syntaxe des langues grecque, latine et indo-iraniennes. En parallèle, les recherches ont porté sur des formes inexplicables par l’application stricte des lois diachroniques, qu’il s’agisse de formes issues d’échanges entre niveaux de langue ou de formes nées des tentatives des locuteurs pour optimiser leur outil de communication.

L’axe secondaire de ses recherches porte sur la linguistique des langues caucasiques du nord-ouest, domaine non indo-européen, récemment décrit (fin XIXe s.) et, d’un point vue typologique, très original par rapport aux langues environnantes.

L’expérience acquise à travers ces publications, souvent issues de communications présentées et discutées lors de colloques, a rendu possible l’étude d’une langue technique, celle de la cuisine chez les Latins : Le latin des cuisiniers – I. L’alimentation végétale, étude lexicale, Paris, PUPS, 2016 (424 p.).