Alain et les philosophes face à la Grande Guerre

Date : 19 novembre 2013
Horaire : 10h30-16h30
Lieu : MDU, Salle divisible nord

Journée d’ètude organisée par Natalie Depraz,
avec le soutien d’Emmanuel Faye et d’Annie Hourcade, en partenariat avec l’Institut Alain, Les amis d’Alain et Les amis du Musée Alain et de Mortagne

La présente journée se situe dans le cadre d’un projet de recherche centré sur la figure d’Alain et son rôle dans l’enseignement de la philosophie, son inscription dans la philosophie française, dans l’histoire du début du XXème siècle, à la fois locale et globale, ainsi que dans sa réception littéraire dans les pays européens limitrophes. Notre « propos » dans le cadre de cette quatrième rencontre est de mettre en exergue la spécificité de la position d’Alain face à la Grande Guerre, en la situant dans le contexte de l’époque, aussi bien d’un point de vue historique que philosophique.  Aussi sera-t-il prioritairement question durant cette journée de faire ressortir la conception de la Guerre que se fait le philosophe Alain, pour lui-même et par rapport à d’autres philosophes de chaque côté du Rhin, mais aussi le sens de son engagement concret durant le premier conflit mondial, ce qui permettra de mesurer également la position respective de ses contemporains au même moment.

Programme

Accueil : 10h30

Présentation de la journée : Natalie Depraz

Matinée (10h45-12h45) Présidence : Yannick Marec (Professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Rouen) 

Pierre Heudier (vice-président de l’association ‘Les amis d’Alain’), « Alain : l’engagement d’un pacifiste. Lecture de textes »

Discutant : Franklin Nyamsi (professeur de philosophie au lycée Delamare Deboutteville de Forge-les-eaux, chargé de Cours à l’Université de Rouen)

Cécile-Anne Sibout (maître de Conférence en histoire contemporaine à l’Université de Rouen), « Un citoyen pacifiste mais patriote face à la guerre : l’engagement volontaire d’Alain en 1914 »

Discutant : Yves Millou (doctorant en philosophie à l’Université de Rouen)

Déjeuner

Après-midi (14h-15-16h15) Présidence : Yann Mouton (professeur de philosophie au lycée de la Vallée du Cailly (Déville lès Rouen), chargé de cours à l’Université de Rouen)

Natalie Depraz (Professeure de philosophie contemporaine à l’Université de Rouen), « Alain face à Husserl et à Bergson : quel engagement ? Variations sur des positions philosophiques »

Discutante : Audrey Gerlain (doctorante ex-allocataire de recherche en philosophie, chargée de cours à Université de Rouen)

Thierry Leterre (professeur de Science Politique à Miami Ohio, président de l’association ‘Les amis d’Alain’), « Comment dire la guerre ? » (15h30-16h30)

Discutant : Alexis Lavis (doctorant ATER en philosophie à ‘l’Université de Rouen

Résumés 

Pierre Heudier (vice-président de l’association ‘Les amis d’Alain’), « Alain : l’engagement d’un pacifiste. Lecture de textes ». La position d’Alain avant, pendant et après la Grande Guerre : lecture commentée de textes-clé (Propos de 1913 sur la loi des 3 ans, ou sur la montée des périls en Europe, extrait de sa correspondance ; célèbre Propos « Massacre des meilleurs » ; chapitres de Mars (Le trou, le cadavre…). 

Cécile-Anne Sibout (Maître de Conférence en histoire contemporaine à l’Université de Rouen), « Un citoyen pacifiste mais patriote face à la guerre : l’engagement volontaire d’Alain en 1914 ».  Dans ses Propos (publiés à Rouen dès 1903), Alain soutient fréquemment des positions antimilitaristes, voire pacifistes, surtout à partir de 1911, moment de la crise d’Agadir et plus encore après 1913, quand une loi allonge le service militaire à 3 ans. L’armée est pour lui une institution antidémocratique. Quant à la guerre, Alain la définit comme une explosion de passions à la fois basses et folles. Pourtant en août 1914, le philosophe de 46 ans s’engage volontairement dans le service actif. L’exposé tentera d’expliquer ce qui peut apparaître comme une contradiction, mais qui a constitué un acte réfléchi de sa part.

Natalie Depraz (Professeure de philosophie contemporaine à l’Université de Rouen », « Alain face à Husserl et à Bergson : quel engagement ? Variations sur des positions philosophiques ».  Au fil de l’examen des attitudes des trois philosophes avec la guerre, je voudrais m’attacher à identifier les modalités spécifiques du conflit personnel que le conflit historique suscite en eux. Comment un événement de cette ampleur engendre une collusion pour la pensée et brise le rythme de sa temporalité continue, comment la guerre s’inscrit dans une dynamique interne qui la précède et produit des effets en termes tout à la fois de prises de conscience mais aussi de rationalisations. Du vécu de la guerre à sa réflexivité dans l’après-coup, que se passe-t-il ? Lucidité, tragique et non-savoir tissent ensemble des modes de conscience, qui caractérisent chacun à leur tour ces philosophes à mesure de l’irruption du non-sens dans une conscience hantée par sa brisure interne et par ce qu’il faut bien appeler avec la guerre une « mauvaise surprise ».

Thierry Leterre (professeur de Science Politique à Miami Ohio, vice-président de l’association ‘Les amis d’Alain’), « Comment dire la guerre ? » (15h30-16h30) Contrairement aux philosophes de sa génération, et à la plupart des intellectuelles et intellectuels s’exprimant sur la question de la guerre, Alain n’est pas un philosophe « face à » la guerre : c’est un philosophe « en » guerre, qui possède une expérience directe du combat. Cette situation inédite est encore renforcée par sa position d’homme de troupe, au bas de l’échelle d’une hiérarchie militaire particulièrement brutale. Pour Alain, l’expérience de la guerre est donc double. C’est l’expérience du danger au combat, mais aussi l’expérience de « l’esclavage militaire ». Mais la guerre n’est pas seulement une expérience ; c’est aussi une série de questions tragiques pour le philosophe. L’une d’elles est particulièrement angoissante. A la guerre, et précisément dans cette guerre dont l’organisation systématique est particulièrement impressionnante, Alain fait l’expérience de ce qu’on pourrait appeler l’absolu antiphilosophique. La guerre, et particulièrement la guerre de 1914-1918, par son absurdité, par son ampleur, par la pression idéologique inédite du « bourrage de crâne », est autant un massacre d’hommes, qu’un massacre d’idées. Dès lors, Alain retrouve avec une intensité sans égale un problème de l’expression sur lequel il bute depuis ses premiers écrits : comment prendre la parole ? Qu’est-ce que l’énonciation d’une philosophie ? Ces interrogations sont redoublées à la fois parce qu’il est hanté par le silence qui happe les anciens combattants qui ne trouvent pas les mots pour dire l’horreur à laquelle ils ont survécu, et parce qu’il cherche à dépasser « l’anecdote » des souvenirs d’ancien combattant. Ultimement, la première guerre mondiale confronte Alain à la double énigme du sens philosophique de l’expérience personnelle, et du sens philosophique de l’anti-philosophie.

Programme PDF : programme_alain2013
Affiche PDF : Affiche_alain2013